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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 7

Le jeudi 2 décembre 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 2 décembre 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale des personnes handicapées

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Journée internationale des personnes handicapées des Nations unies, qui sera célébrée demain. Je souhaite utiliser les informations publiées par Campagne 2000 dans son rapport sur la pauvreté des enfants et des familles au Canada de 2021, intitulé Personne n’est laissé pour compte : stratégies pour une relance inclusive, pour mettre en évidence l’intersection du handicap et de la pauvreté. Je remercie la sénatrice Moodie, qui nous a fourni des renseignements tirés de ce rapport mardi lors de sa déclaration sur la Journée nationale de l’enfant.

Près d’une personne handicapée sur trois en âge de travailler vit dans la pauvreté. Avant même le début de la pandémie, 26 % des personnes handicapées avaient déclaré que leurs besoins n’étaient pas satisfaits en raison d’obstacles financiers liés au coût du matériel, des appareils fonctionnels et des médicaments sur ordonnance requis. Campagne 2000 presse le gouvernement d’inclure les enfants handicapés dans toute mesure législative visant une réforme des prestations d’invalidité. Elle recommande au gouvernement fédéral d’élaborer un « programme de prestations complet, vaste et adéquat pour les enfants handicapés ».

Je dis souvent que la pauvreté chez les enfants n’existe pas, car les enfants ne vivent pas isolés de leur famille. Nous devrions plutôt parler de pauvreté des familles. Les familles qui prennent soin d’un enfant handicapé doivent souvent payer des coûts supplémentaires que les autres familles n’ont pas à payer, ce qui les laisse avec un grand besoin de soutien supplémentaire et, parfois, des besoins non satisfaits.

Honorables sénateurs, lorsque nous parlons de la nécessité de rebâtir en mieux après la pandémie, nous savons que certains groupes risquent d’être laissés pour compte, comme les enfants handicapés. Chers collègues, je vous exhorte à aider à faire en sorte que les efforts du gouvernement pour rebâtir en mieux ne laissent personne de côté, surtout pas les enfants handicapés. Asante. Merci.

La Journée mondiale des sols

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, j’interviens parfois au Sénat et au Comité de l’agriculture et des forêts pour parler de l’importance de la santé des sols. Je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur la Journée mondiale des sols organisée par les Nations unies, qui est soulignée chaque année le 5 décembre. Ce sera donc ce dimanche. Le thème choisi cette année, « Stopper la salinisation des sols, accroître leur productivité », vise à sensibiliser les gens à la santé des sols et aux défis croissants de la gestion des sols, et à lutter contre la salinisation des sols.

Comme je fais partie depuis longtemps de la communauté agricole de l’Ontario, je sais à quel point la santé des sols est importante pour nous tous. Cet été, j’ai d’ailleurs passé la pause parlementaire dans les fermes et dans les champs. Pendant l’été et pendant les récoltes d’automne, je me suis rendu dans beaucoup de communautés ontariennes, de Bayfield à Ottawa et de Thunder Bay au comté de Wellington. J’ai aussi exploré des parties de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba pour en apprendre davantage sur l’agriculture canadienne, le travail en cours, ainsi que les défis et les réussites des agriculteurs de ce merveilleux pays. Pendant ces voyages, j’ai rencontré des représentants municipaux et participé à l’ouverture officielle de foires agricoles. J’ai aussi visité des entreprises axées sur la culture des carottes et des pommes de terre; des élevages de bovins, de moutons et de bisons; des fabriques de bière, de vin et de cidre; des centres de recherche locaux; des serres novatrices et beaucoup d’autres endroits.

Pendant mes tournées, j’ai entendu parler de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne la main-d’œuvre, l’infrastructure et les transports, l’irrigation et l’eau, la sécurité alimentaire, le prix du charbon et la santé des sols. Les sols étant l’une des ressources naturelles les plus précieuses du Canada, il va sans dire que leur santé et leur conservation constituent un enjeu prioritaire, comme me l’ont confirmé les agriculteurs d’un bout à l’autre du pays.

L’agriculture est une industrie complexe qui évolue constamment, et je crois qu’il est dans l’intérêt du Canada de continuer à améliorer et à renforcer ce secteur pour que les générations à venir puissent profiter des fruits du labeur des agriculteurs. Autrement dit, pour que les générations à venir continuent de profiter des fruits du travail des agriculteurs — sans oublier les légumes et les autres produits agricoles —, il faut fournir à l’industrie les outils pour lui permettre de faire figure de chef de file sur la scène mondiale et de devenir encore plus compétitive. Pour ce faire, nos sols doivent demeurer sains et arables.

Honorables sénateurs, la santé et la conservation des sols au Canada constitue une responsabilité partagée et exigera un leadership collectif de même qu’un engagement et la prise de mesures concrètes non seulement de la part de ceux qui sont directement responsables de la gestion des sols d’un bout à l’autre du pays, mais aussi de la part de tous les ordres de gouvernement. Je vous invite, à l’occasion de la Journée mondiale des sols des Nations unies, le 5 décembre, à en apprendre davantage sur l’état de nos sols, à soutenir les efforts de sensibilisation et à célébrer la biodiversité qui existe au Canada. Merci. Meegwetch.

[Français]

La bataille de la cote 355

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour parler de la commémoration du 70e anniversaire de la bataille historique de la cote 355, qui a eu lieu le 26 novembre 1951 pendant la guerre de Corée.

Il faisait froid, il y avait de la boue, et l’incertitude flottait dans l’air. Les troupes canadiennes du Royal Canadian Regiment, du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry et du Royal 22e Régiment, ces dernières surnommées les « Van Doos », étaient redéployées sur la cote 355. La cote 355, ainsi nommée sur les cartes militaires parce qu’elle était à 355 mètres au-dessus du niveau de la mer, a été surnommée le « petit Gibraltar » en raison de sa forme. Elle était située à environ 40 kilomètres au nord de Séoul et était très prisée, car il s’agissait du terrain le plus élevé surplombant les lignes de front et les routes d’approvisionnement environnantes.

Dépassés en nombre, exposés, les Van Doos ont résisté jusqu’à ce que les Américains aient repris pour de bon la cote 355, le 25 novembre, ce qui a marqué la fin des forces communistes.

(1410)

La bataille de la cote 355 reste un moment de fierté pour les Van Doos, mais qui a coûté très cher. Le 26 novembre, j’ai eu l’honneur d’organiser une cérémonie commémorative spéciale pour rendre hommage au service et au sacrifice de tous ceux qui ont participé à la bataille de la cote 355 et de tous nos anciens combattants bien-aimés de la guerre de Corée.

Deux de nos fiers Van Doos, Claude Charland et Delphis Cormier, qui ont combattu pendant la guerre de Corée, ont participé à la cérémonie du 70e anniversaire. Ils ont parlé de leurs souvenirs de la guerre et de la fierté qu’ils ressentaient pour leurs camarades. Ils ont été émus aux larmes par notre souvenir et par leurs propres souvenirs des batailles acharnées et des vies qui ont été perdues à jamais.

Le colonel du Royal 22e Régiment, le lieutenant-général Marc Caron, a parlé de la longue et fière histoire du Royal 22e Régiment, du sens de l’honneur et du devoir que ses membres éprouvent. Il a parlé de la gratitude de tous les Van Doos envers nos vétérans de la guerre de Corée, et il a parlé de la fraternité, de la camaraderie et du travail d’équipe...

Son Honneur le Président : Sénatrice Martin, j’ai le regret de vous dire que votre temps est écoulé.

La Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, le 2 décembre est la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage. Elle s’inscrit au cœur des journées d’action contre la violence faite aux femmes. À cette occasion, j’aimerais souligner que 70 % des 40 millions de victimes d’esclavage moderne sont des femmes. On doit s’indigner des 12 millions de petites et de jeunes filles vendues et mariées trop jeunes pour y consentir, et qui risquent de mourir en accouchant.

Toutefois, au-delà de l’indignation, les pistes de solution existent si nous y mettons les moyens. L’éducation est la clé pour faire connaître leurs droits aux filles partout dans le monde, afin qu’elles puissent elles-mêmes résister, obtenir de l’aide ou s’enfuir.

Agir, oui — mais que prioriser? Les experts ne s’entendent même pas sur la définition de ce qui constitue véritablement de l’esclavage moderne.

Pour qualifier une situation de travail forcé, si l’on se fie aux définitions onusiennes, il doit y avoir un élément de contrainte, que ce soit une servitude de dette ou des menaces. D’autres estiment que la notion d’esclavage moderne s’applique plus largement à l’exploitation, y compris par des milieux de travail non sécuritaires ou une main-d’œuvre captive. Chose certaine, le Canada n’est pas à l’abri de situations qui s’apparentent à de l’esclavage moderne.

Au Québec, le nombre de travailleurs étrangers temporaires a explosé. Selon une enquête de Radio-Canada, cette recherche d’une nouvelle vie se transforme trop souvent en cauchemar, en raison des frais exorbitants exigés par de multiples intermédiaires ou des patrons peu scrupuleux.

Prenons l’histoire de Mamadou Hane, de sa conjointe et de ses quatre enfants. En 2019, ce Sénégalais arrive au Québec, muni d’un contrat type du ministère de l’Immigration où toutes les conditions de travail sont prévues chez son nouvel employeur. Or, dès son arrivée, son patron exige que Mamadou Hane signe un nouveau contrat, où il s’engage à rembourser, au prorata, 5 000 $ s’il quitte son emploi avant trois ans — ce qui constitue une servitude de dette tout à fait illégale. On menace ce mécanicien de le renvoyer dans son pays s’il ne s’exécute pas. Un an plus tard, mis à pied, il reçoit quand même une mise en demeure et une facture de 3 300 $ de son ex-employeur. Mamadou Hane dit : « J’ai été fort, j’ai résisté, mais beaucoup ont eu le cœur brisé, c’était terrible. »

Combien d’autres n’osent pas se plaindre même s’ils vivent des histoires d’horreur? Eva Lopez, qui vient en aide à ces travailleurs étrangers temporaires, résume la situation ainsi, et je la cite :

Beaucoup se taisent, car ils veulent une autre vie pour leur famille. C’est une évidence : on vend du bétail et il y a des gens sans scrupules.

Ne l’oublions pas : l’esclavage moderne n’est pas qu’un simple enjeu de plus; c’est un crime.

La Journée internationale des personnes handicapées

L’honorable Chantal Petitclerc : Chers collègues, le 3 décembre souligne la Journée mondiale des personnes handicapées.

Permettez-moi d’abord de souligner la qualité remarquable des derniers jeux de Tokyo. Outre l’organisation de cet événement majeur en temps de pandémie et les performances sportives, ce qui rendra ces jeux historiques, c’est le lancement d’une campagne sans précédent qui vise à mettre en relief les défis et les injustices auxquels fait face 15 % de la population planétaire, c’est-à-dire les personnes en situation de handicap.

[Traduction]

La campagne NousLes15 vise à devenir le plus grand mouvement de défense des droits de la personne jamais entrepris pour mettre fin à la discrimination. Son objectif est de transformer la vie des 1,2 milliard de personnes en situation de handicap dans le monde, qui représentent 15 % de la population mondiale.

[Français]

NousLes15 unit le Comité international paralympique à de nombreuses organisations des droits de la personne, du domaine des sports, des arts, des communications et des affaires. Son ambition est d’atteindre les objectifs du programme 2030 des Nations unies.

[Traduction]

Alors que la diversité et l’inclusion sont des sujets d’actualité partout dans le monde, nous ne pouvons pas exclure les 15 % de personnes en situation de handicap. Comme pour la race, le genre et l’orientation sexuelle, le temps est venu pour un tel mouvement mondial qui fait publiquement campagne pour la visibilité, l’inclusion et l’accessibilité des personnes en situation de handicap.

[Français]

La vérité est que NousLes15 sommes uniques par nos réalités, nos défis et nos expériences. Alors que notre fantastique équipe paralympique ramenait au Canada une belle récolte de 21 médailles, n’oublions pas que les obstacles sont réels pour les Canadiens qui vivent en situation de handicap. Par exemple, moins de 60 % des Canadiens qui vivent avec un handicap ont un emploi. Ce que les chiffres de Statistique Canada nous disent, c’est que plus une incapacité est sévère, plus les impacts sont grands et plus ces personnes sont susceptibles de vivre dans la pauvreté. Le Canada peut et doit faire beaucoup mieux.

[Traduction]

Le mouvement NousLes15 mettra en valeur 15 % de la population mondiale. Il permettra de mieux connaître la discrimination et les obstacles auxquels les personnes en situation de handicap sont confrontées au quotidien. Comment pouvons-nous éliminer ces obstacles afin que toutes les personnes en situation de handicap puissent exploiter tout leur potentiel? En réalité, où retrouve-t-on ces 15 %? Les voit-on à la télé, dans les entreprises, dans les conseils d’administration, ou même ici au Sénat et dans les assemblées législatives?

[Français]

Il reste tant à faire et nous aussi, chers collègues, avons un rôle à jouer.

Merci, meegwetch.

[Traduction]

La résilience des communautés des Premières Nations

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, en juin dernier, les restes de centaines de personnes, dont des enfants, ont été découverts dans des tombes anonymes sur le terrain de pensionnats ou à proximité de pensionnats à Kamloops, en Colombie-Britannique, ainsi qu’à Cowessess, une collectivité des Premières Nations de la Saskatchewan. On parle de 751 morts, rien qu’à Cowessess. Il est déchirant d’imaginer qu’un être cher, en particulier son enfant, ait pu quitter le monde d’une manière aussi tragique et dans l’anonymat.

Beaucoup d’entre nous ont assisté à des cérémonies de commémoration afin de rendre hommage aux personnes enterrées secrètement, mais cela ne saurait compenser la douleur et la perte éprouvées par leur famille. Cette découverte a touché le cœur et l’esprit de tous les Canadiens, et j’espère sincèrement que nous ne l’oublierons pas et que nous nous engagerons à ne jamais laisser une telle chose se reproduire. Il s’agit d’un modeste engagement vers la réconciliation dont nous avons tous besoin.

Je tiens également à parler de la grâce, du courage et du leadership des bonnes gens de Cowessess, dirigées par leur chef visionnaire, Cadmus Delorme. Dans les semaines qui ont suivi la découverte des tombes anonymes, tandis que les membres des Premières Nations, en particulier ceux de Cowessess, étaient en deuil, le chef Delorme a instauré deux merveilleuses initiatives saines d’autodétermination auxquelles beaucoup n’ont porté aucune attention. L’une était d’ordre social, l’autre, d’ordre économique.

(1420)

Le 6 juillet dernier, au nom de la Première Nation de Cowessess, le chef Cadmus Delorme, le premier ministre Trudeau et le premier ministre Scott Moe, de la Saskatchewan, ont signé une entente historique visant à rendre à cette Première Nation la compétence en matière d’aide à l’enfance, rétablissant ainsi son autodétermination pleine et entière sur le terrain relativement à des cas d’une importance vitale pour une communauté des Premières Nations.

Une semaine plus tard, soit le 14 juillet, la Première Nation de Cowessess a dévoilé un important projet d’énergie solaire en partenariat avec Elemental Energy, une société énergétique fondée par Joe Houssian, un entrepreneur originaire de la Saskatchewan qui s’est tourné vers l’énergie verte.

Les dirigeants de la nation de Cowessess ont dit que ce projet est une étape sur le chemin qui leur permettra de devenir la Première Nation la plus écologique au pays, ajoutant qu’il offre des possibilités économiques et d’emploi pour les bonnes gens de Cowessess. Le chef Delorme a également dit que ce projet aidera la communauté à guérir.

Après la découverte tragique de tombes anonymes, une Première Nation traverse une période très sombre, mais chemine vers la lumière. C’est une histoire de douleur, mais aussi d’espoir. Merci.


AFFAIRES COURANTES

Comité de sélection

Adoption du premier rapport du comité

L’honorable Michael L. MacDonald, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le jeudi 2 décembre 2021

Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Conformément à l’article 12-2(2) du Règlement du Sénat et à l’ordre du Sénat adopté le 25 novembre 2021, le comité présente ici la liste des sénateurs qu’il a désignés pour faire partie des comités.

Comité sénatorial permanent des peuples autochtones

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Arnot, Audette, Christmas, Coyle, Hartling et Pate

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Patterson et Plett

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénateur Tannas

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Francis et Lovelace Nicholas

Non affiliés

L’honorable sénatrice LaBoucane-Benson (désignée par le Groupe des sénateurs canadiens)

Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Cotter, Deacon (Nouvelle-Écosse), Marwah, Petitclerc, Simons et Wetston

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Oh et Poirier

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Black et Griffin

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Klyne et Mercer

Comité sénatorial permanent de l’audit et de la surveillance

Groupe des sénateurs indépendants

L’honorable sénatrice Dupuis

Parti conservateur du Canada

L’honorable sénateur Wells

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénateur Downe

Groupe progressiste du Sénat

L’honorable sénateur Klyne

Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Deacon (Nouvelle-Écosse), Loffreda, Massicotte, Ringuette, Woo et Yussuff

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Marshall et Smith

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Quinn et Wallin

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Bellemare et Gignac

Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Arnot, Galvez, Massicotte, McCallum, Miville-Dechêne et Sorensen

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Carignan, c.p., et Seidman

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénatrices Griffin et Verner, c.p.

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Anderson et Gignac

Comité sénatorial permanent des pêches et des océans

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Busson, Christmas, Cormier, Kutcher, Petitclerc et Ravalia

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Ataullahjan et Manning

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Campbell et Quinn

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Cordy et Francis

Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Boehm, Boniface, Coyle, Deacon (Ontario), Ravalia et Woo

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs MacDonald et Oh

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Greene et Richards

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Gerba et Harder, c.p.

Comité sénatorial permanent des droits de la personne

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénatrices Audette, Boyer, Hartling et Omidvar

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénatrices Ataullahjan et Martin

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénatrice Griffin

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénatrices Bernard et Gerba

Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Boyer, Dean, Forest, Marwah, Moncion, Moodie et Saint-Germain

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Marshall, Plett, Seidman et Smith

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Campbell et Tannas

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Bovey et Dawson

Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Clement, Cotter, Dupuis, Jaffer, Pate et Wetston

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Boisvenu et Carignan, c.p.

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Campbell et White

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Dalphond et Harder, c.p.

Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Ravalia et Saint-Germain

Parti conservateur du Canada

L’honorable sénateur Plett

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénateur Black

Groupe progressiste du Sénat

L’honorable sénateur Mercer

Comité sénatorial permanent des finances nationales

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Boehm, Duncan, Forest, Galvez, Loffreda et Pate

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Marshall et Mockler

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Dagenais et Richards

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Gerba et Gignac

Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Boehm, Dasko, Deacon (Ontario), Dean, Jaffer et Yussuff

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Boisvenu et Martin

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Dagenais et Richards

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Anderson et Mercer

Comité sénatorial permanent des langues officielles

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Clement, Cormier, Mégie et Moncion

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Mockler et Poirier

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénateur Dagenais

Groupe progressiste du Sénat

L’honorable sénateur Dalphond

Non affiliés

L’honorable sénatrice Gagné (désignée par le Groupe progressiste du Sénat)

Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Boniface, Busson, Clement, Duncan, Lankin, c.p., Massicotte et Ringuette

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Carignan, c.p., Housakos, Mockler et Wells

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Black et Greene

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénatrices Bellemare et Cordy

Comité mixte permanent d’examen de la réglementation

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Dean et Woo

Parti conservateur du Canada

L’honorable sénateur Plett

Groupe des sénateurs canadiens

L’honorable sénateur Greene

Groupe progressiste du Sénat

L’honorable sénateur Dalphond

Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Dasko, Kutcher, Lankin, c.p., Moodie, Omidvar et Petitclerc

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Patterson et Plett

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénatrices Griffin et Verner, c.p.

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénatrices Bernard et Bovey

Comité sénatorial permanent des transports et des communications

Groupe des sénateurs indépendants

Les honorables sénateurs Cormier, Dasko, Miville-Dechêne, Simons, Sorensen et Wetston

Parti conservateur du Canada

Les honorables sénateurs Housakos et Manning

Groupe des sénateurs canadiens

Les honorables sénateurs Quinn et Wallin

Groupe progressiste du Sénat

Les honorables sénateurs Dawson et Klyne

Conformément à l’article 12-3(3) du Règlement du Sénat, l’honorable sénateur Gold, c.p. (ou Gagné) et l’honorable sénateur Plett (ou Martin) sont membres d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, les comités mixtes et les sous-comités.

Respectueusement soumis,

Le président,

MICHAEL L. MACDONALD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur MacDonald : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Présentation du deuxième rapport du comité

L’honorable Michael L. MacDonald, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le jeudi 2 décembre 2021

Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Le 25 novembre 2021, le Sénat a autorisé votre comité à proposer des recommandations au Sénat sur la durée de la composition des comités. Votre comité présente maintenant un rapport provisoire.

Lors des première et deuxième sessions de la 43e législature, le Sénat a adopté des ordres sessionnels introduisant des dispositions visant à préserver le nombre de sièges de comité convenu pour chaque parti ou groupe parlementaire reconnu, une fois les membres nommés, même si un sénateur change d’affiliation peu importe le motif.

Par conséquent, votre comité recommande maintenant que, pour le reste de la présente session et nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :

1. Sauf dans les cas du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et du Comité permanent de l’audit et de la surveillance :

a) un sénateur non affilié peut, au moyen d’un avis écrit remis au greffier, se placer sous l’autorité d’un leader ou d’un facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, aux fins de la modification de la composition des comités, les comités mixtes y compris, en suivant le processus établi à l’article 12-5 du Règlement;

b)sous réserve de l’alinéa c), si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu particulier, pour quelque motif que ce soit, il cesse simultanément d’être membre de tout comité dont il est à ce moment membre, le siège vacant étant pourvu par le leader ou le facilitateur du parti ou groupe auquel le sénateur appartenait, en suivant le processus établi à l’article 12-5 du Règlement;

c)si un sénateur cesse d’être membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu parce que ce parti ou groupe cesse d’exister, il demeure membre de tout comité auquel il appartenait, sous réserve de l’alinéa d), mais il cesse d’être président ou vice-président d’un comité s’il occupe l’un ou l’autre de ces postes, et il cesse d’être membre de tout Sous-comité du programme et de la procédure dont il est membre;

d) si un sénateur non affilié devient membre d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, il cesse d’être membre de tout comité dont il est membre à ce moment, le siège vacant étant pourvu soit :

(i)par le leader ou le facilitateur du parti ou du groupe auquel le siège du sénateur non affilié appartenait originairement, tel qu’indiqué dans le premier rapport de ce comité, en suivant le processus établi à l’article 12-5 du Règlement, ou

(ii) par ordre du Sénat, soit par l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection, si le premier rapport de ce comité, tel qu’adopté par le Sénat, ne comportait pas une telle indication;

2. tout changement de membre d’un comité en vertu du paragraphe 1 du présent rapport soit consigné aux Journaux du Sénat.

Votre comité annexe également une opinion dissidente de l’honorable sénateur Terry M. Mercer au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

MICHAEL L. MACDONALD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur MacDonald, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation du troisième rapport du comité

L’honorable Michael L. MacDonald, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le jeudi 2 décembre 2021

Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Le 25 novembre 2021, le Sénat a autorisé votre comité à proposer des recommandations au Sénat sur toute question liée à l’horaire et à la coordination des réunions hybrides des comités. Votre comité présente maintenant un rapport provisoire.

Horaire des réunions de comités

Conformément à l’ordre du Sénat du 25 novembre 2021 qui autorise les comités à tenir des réunions hybrides et en se basant sur la capacité actuelle du Sénat à soutenir des réunions hybrides, votre comité fait les recommandations suivantes :

1. Que les comités du Sénat soient autorisés à se réunir selon un horaire fixe, à condition que :

a) les réunions de comités portant sur des affaires du gouvernement soient priorisées, sous réserve de la capacité disponible;

b)tout changement à l’horaire fixe soit soumis à l’approbation de l’agente de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition et les whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

2.Votre comité annexe au présent rapport un horaire provisoire pour les réunions hybrides des comités du Sénat et recommande également que :

a)l’horaire provisoire soit mis en œuvre immédiatement;

b)toute modification ultérieure jugée utile ou nécessaire soit faite en consultation avec l’agente de liaison du gouvernement, le whip de l’opposition et les whips et agents de liaison de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus.

Respectueusement soumis,

Le président,

MICHAEL L. MACDONALD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur MacDonald, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser les ministres de la Couronne qui ne sont pas membres du Sénat à participer à la période des questions

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique habituelle :

1.le Sénat invite tout ministre de la Couronne qui n’est pas membre du Sénat à participer aux travaux du Sénat au moins une fois toutes les deux semaines que le Sénat siège, pendant la période des questions, à une heure et une date désignées par le représentant du gouvernement au Sénat, après consultation avec le leader de l’opposition au Sénat et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et groupes parlementaires reconnus, en répondant aux questions ayant trait à ses responsabilités ministérielles, selon les dispositions du Règlement et les ordres alors en vigueur, dont ceux ayant trait aux séances hybrides, si le Sénat tient de telles séances à ce moment-là, sauf que ni les sénateurs qui posent des questions ni le ministre lorsqu’il répond ne doivent se lever;

2.le représentant du gouvernement au Sénat, en consultation avec le leader de l’opposition au Sénat et les leaders et facilitateurs de tous les partis reconnus et les groupes parlementaires reconnus, désigne le ministre qui comparaîtra lors d’une telle période des questions;

3.au début de l’ordre du jour, le représentant du gouvernement au Sénat ou la coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat informe le Sénat, dès que possible à l’avance, de l’heure et de la date d’une telle période des questions avec un ministre, ainsi que du nom du ministre désigné, mais au plus tard à la séance qui précède le jour où le ministre doit comparaître;

4.les sénateurs disposent au plus d’une minute pour poser une question, et que les ministres disposent au plus d’une minute et demie pour répondre, et que ce processus continue jusqu’à ce que la période des questions prenne fin;

5.la période des questions dure au plus 60 minutes.

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-4, Loi modifiant le Code criminel (thérapie de conversion), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

(1430)

[Traduction]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Kim Pate dépose le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Projet de loi favorisant l’identification de criminels par l’ADN

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Claude Carignan dépose le projet de loi S-231, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur l’identification par les empreintes génétiques.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La troisième partie de la session ordinaire de 2021 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 21 au 24 juin 2021—Dépôt du rapport

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la troisième partie de la session ordinaire de 2021 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue par vidéoconférence du 21 au 24 juin 2021.

La quatrième partie de la session ordinaire de 2021 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue du 27 au 30 septembre 2021—Dépôt du rapport

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la quatrième partie de la session ordinaire de 2021 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenue par vidéoconférence du 27 au 30 septembre 2021.

[Français]

ParlAmericas

L’assemblée plénière, tenue les 16 et 27 novembre 2020—Dépôt du rapport

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la 17e assemblée plénière, tenue sous forme de séances virtuelles les 16 et 27 novembre 2020.

La rencontre du Réseau parlementaire sur le changement climatique, tenue les 4, 15 et 25 juin 2021—Dépôt du rapport

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de ParlAmericas concernant la cinquième rencontre du Réseau parlementaire sur le changement climatique, tenue sous forme de séances virtuelles les 4, 15 et 25 juin 2021.

[Traduction]

L’autogouvernance du Sénat

Préavis d’interpellation

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur le privilège parlementaire, le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et les options pour accroître la responsabilité, la transparence et l’équité dans le contexte de l’autogouvernance unique du Sénat, y compris des directives par rapport à la divulgation publique.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Bureau du Conseil privé

Le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Gold. J’aimerais vous poser une question au sujet du fleuron de votre gouvernement, c’est-à-dire, bien sûr, la réforme du Sénat, plus précisément en ce qui concerne le Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat.

Ce n’est pas la première fois que nous posons cette question sur ce comité, qui a l’obligation de se montrer responsable et transparent et de présenter des rapports annuels sur ses activités et son financement. Le 5 mai dernier, le sénateur Plett a posé exactement la même question. Vous vous êtes engagé à vous renseigner et lui fournir une réponse. Plus tard au cours du même mois, le sénateur Plett a inscrit par écrit la même question au Feuilleton.

Vous comprendrez, sénateur Gold, que dans cette institution, pour que nous puissions nous acquitter d’une de nos principales responsabilités, qui consiste à demander des comptes à l’exécutif, nous comptons sur le représentant du gouvernement pour nous fournir des renseignements en temps voulu. Au nom des contribuables, nous n’abandonnerons pas avant d’obtenir une réponse.

Monsieur le leader, vous êtes-vous informé auprès du Conseil privé du Canada? Vous êtes-vous informé auprès du Cabinet du premier ministre? Avez-vous demandé au ministre LeBlanc pourquoi le comité consultatif du Sénat n’a pas rendu publics les renseignements et les dépenses de manière transparente et responsable?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je croyais que c’était le jour de la marmotte au Sénat. Je crois que vous m’avez posé cette question hier.

Je vous remercie d’avoir reconnu que je suis ici en tant que représentant du gouvernement. Merci.

Je me suis renseigné, mais je n’ai pas encore reçu de réponse.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, je sais que votre titre est leader du gouvernement et que vous représentez celui-ci au Sénat et je crois aussi que le public sait que vous êtes membre du Conseil privé pour une bonne raison. Vous ne portez pas ce titre simplement pour le plaisir : il signifie que vous devez fournir des informations rapidement au Sénat.

Sénateur Gold, je trouve très curieux que cette question ne semble pas vraiment vous intéresser, étant donné que cela fait des mois que vous n’avez pas pris le temps de nous faire rapport. J’aurais cru que vous auriez été aussi intéressé que nous simplement à titre d’honorable sénateur nommé dans le cadre de ce même processus. Qui plus est, comme je l’ai dit tout à l’heure, en tant que leader du gouvernement qui a la responsabilité d’obtenir des réponses pour le Sénat, vous avez une obligation envers les sénateurs et les contribuables canadiens.

Sénateur Gold, vous engagez-vous à enfin nous obtenir une réponse concernant ce rapport introuvable avant que nous ajournions pour le congé des Fêtes? Plus précisément, nous direz-vous aussi précisément quand vous nous donnerez cette réponse? Après sept mois à répéter la même question, je ne crois pas que ce soit exagéré de demander au leader du gouvernement à quel moment précis le Sénat peut s’attendre à obtenir une réponse.

Le sénateur Gold : Écoutez, c’est une question sérieuse. Je ne peux m’empêcher de répéter ce que vous et plusieurs autres sénateurs m’avez dit à maintes reprises, soit qu’il s’agit de la période des questions, et non de la période des réponses. J’ai posé la question. Quand j’obtiendrai une réponse, je serai heureux de la transmettre au Sénat.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

Les émissions de gaz à effet de serre

L’honorable Larry W. Smith : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Sénateur Gold, la semaine dernière, le commissaire à l’environnement et au développement durable publiait son quatrième rapport intitulé Fonds de réduction des émissions. Le Programme côtier et infracôtier était destiné à apporter un soutien financier aux entreprises énergétiques en raison de la baisse du prix du pétrole pendant la pandémie.

Le rapport du commissaire indique ce qui suit :

Dans l’ensemble, Ressources naturelles Canada n’a pas conçu le Programme côtier et infracôtier du Fonds de réduction des émissions de manière à permettre des réductions crédibles et durables des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier ou à assurer l’optimisation des ressources engagées.

(1440)

Le Programme côtier et infracôtier a été tellement mal conçu et mal exécuté qu’il a en fait entraîné l’effet inverse de ce qu’il devait faire. Sénateur Gold, pouvez-vous, s’il vous plaît, nous expliquer pourquoi votre gouvernement a permis qu’un programme aussi imparfait soit mis en œuvre?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de cette question. Le gouvernement est saisi de ce rapport et il apprécie grandement tout le travail qui a mené à sa réalisation. Le gouvernement a prévu de nombreuses initiatives afin de réduire les impacts sur notre environnement, comme ceux des émissions de gaz à effet de serre, et afin que nous puissions continuer à lutter contre les changements climatiques.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Je vais poser ma question en anglais. Avec un peu de chance, nous obtiendrons une réponse plus complète. Selon des données de l’Institut Angus Reid, les changements climatiques étaient la grande priorité pour les Canadiens lors de la dernière campagne électorale, mais aussi pendant la campagne électorale de 2019.

Le commissaire a récemment présenté le rapport intitulé Rapport 5 : Leçons tirées de la performance du Canada dans le dossier des changements climatiques. On y trouve un historique des engagements et des mesures du Canada en ce qui concerne la réduction des émissions et la lutte contre les changements climatiques.

Dans le rapport, le commissaire ne mâche pas ses mots :

[...] les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont augmenté depuis la signature de l’Accord de Paris, ce qui fait du Canada le pays avec la pire performance de toutes les nations du G7 depuis la Conférence des Parties qui a eu lieu à Paris (France) en 2015.

Il ne s’agit pas d’une ou deux années, mais bien de 2015 à aujourd’hui. Sénateur Gold, compte tenu de l’importance de cette question pour les Canadiens et du fait que ceux-ci s’attendent à des mesures et à des résultats dans ce dossier, pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement n’arrive pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre et pourquoi le Canada prend du retard par rapport à tous les autres pays du G7 en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques?

Le sénateur Gold : La lutte contre les changements climatiques appelle un effort concerté non seulement de la part du gouvernement fédéral, mais également des provinces et des territoires, en particulier pour ceux qui ont la compétence exclusive en ce qui concerne les ressources naturelles et les taux de production qui y sont associés. Elle nécessite également un effort concerté de la part des Canadiens et des partis politiques de toutes les allégeances.

Le gouvernement du Canada est très heureux que d’autres partis politiques et les Canadiens reconnaissent l’importance de la lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement est passé à l’action et continuera de prendre des moyens sans précédent — une série de mesures — pour réduire les répercussions de l’activité humaine, plus précisément des activités industrielles, sur le climat. Il continuera sur cette voie dans l’intérêt des Canadiens de partout au pays.

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Brent Cotter : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Compte tenu des déclarations faites plus tôt par les sénatrices Bernard et Petitclerc, il semble que ce soit une question pertinente à poser aujourd’hui. Le projet de loi C-35, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, a été déposé à l’autre endroit le 22 juin 2021. Il est vrai qu’il était alors beaucoup trop tard pour qu’on puisse l’étudier et l’adopter avant les élections, mais il s’agissait assurément d’un signe de l’engagement du gouvernement envers les personnes handicapées. Le projet de loi énonce qu’il vise « à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité financière des personnes handicapées par l’établissement de la prestation canadienne pour les personnes handicapées ».

Le préambule expose toutes les excellentes raisons qui justifient l’importance de cette mesure législative essentielle pour les personnes handicapées et leur famille. Même certains sites Web du gouvernement du Canada signalent que pas moins de 6 millions de Canadiens de plus de 15 ans ont un handicap et que ces personnes sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté à cause de l’exclusion sociale et économique. Or, le discours du Trône n’a aucunement fait état des intentions du gouvernement à l’égard de cette mesure législative et, puisque les mandats des ministres n’ont pas encore été rendus publics, rien ne garantit qu’il s’agit toujours d’une priorité du gouvernement.

Pouvez-vous confirmer que le gouvernement, après avoir suscité des attentes chez six millions de Canadiens et leur famille, considère encore cette mesure législative comme une priorité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La réponse courte est « oui », sénateur. Je vous remercie de votre question. Depuis 2015, le gouvernement a pris des mesures importantes pour de bâtir un Canada inclusif pour les personnes handicapées. Le budget de 2021 s’est appuyé sur ces mesures en mettant en œuvre la stratégie « Rien sans nous », en investissant dans les communautés accessibles, la formation et la création d’emplois, en investissant dans les étudiants handicapés et en fournissant des fonds pour des services inclusifs de garde d’enfants. Pour aller de l’avant, le gouvernement s’est engagé à présenter à nouveau le projet de loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, qui créera un paiement mensuel direct pour les Canadiens handicapés à faible revenu.

Le gouvernement s’est engagé à continuer de consulter les Canadiens handicapés dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap, notamment en modernisant son approche pangouvernementale à l’égard des personnes handicapées et en mettant en œuvre une stratégie d’emploi pour les Canadiens handicapés.

Le sénateur Cotter : Quand pourrons-nous voir le projet de loi, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Je ne sais pas quand le projet de loi sera présenté. Dès que je le saurai, j’en informerai le Sénat.

[Français]

La sécurité publique

La pandémie de COVID-19—Les restrictions concernant les voyages

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Les experts s’entendent pour dire que tous les virus mutent avec le temps. La plupart des mutations n’ont que peu ou pas d’incidence sur les propriétés du virus.

En ce qui a trait au variant Omicron, l’OMS a souligné, dans son avis du 30 novembre, que les interdictions globales de voyager n’en empêchent pas la propagation à l’échelle internationale et qu’elles font peser une lourde charge sur les vies et les moyens de subsistance.

La fermeture des frontières peut avoir un impact négatif sur les efforts mondiaux en matière de santé pendant une pandémie, en dissuadant les pays de signaler et de partager les données épidémiologiques et de séquençage.

En date d’aujourd’hui, le variant Omicron est le cinquième variant classé « préoccupant » sur la liste de l’OMS. Il a d’ailleurs été détecté dans plusieurs provinces canadiennes.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous indiquer sur quelles bases scientifiques et selon quelles recommandations de l’Agence de la santé publique du Canada le gouvernement a décidé d’imposer des mesures d’interdiction d’entrée aux ressortissants de 10 pays d’Afrique?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question. Avec l’émergence du variant Omicron, qui est préoccupant, le gouvernement intervient rapidement en renforçant les mesures frontalières. Parmi ces mesures, le gouvernement rehausse les exigences qu’il impose à la frontière en matière de dépistage et d’entrée, augmente la surveillance des nouveaux variants et collabore avec la santé publique pour mieux comprendre la situation épidémiologique au Canada.

Ces mesures de santé publique sont prises sur la base de la science et des preuves fournies au gouvernement. Pour ce qui est de la base scientifique et des recommandations précises de Santé Canada qui ont entraîné la décision de couper les ponts aériens internationaux, je n’ai pas la réponse précise à cette question. Lorsque j’aurai des nouvelles du gouvernement, je vous en ferai part dans les meilleurs délais.

La sénatrice Mégie : Merci, sénateur Gold, pour votre réponse. Ma question complémentaire est la suivante. Pour mettre fin à la pandémie, nous devons assurer une distribution rapide et efficace des vaccins contre la COVID-19 partout dans le monde. Quel impact la décision de fermer les frontières canadiennes aura-t-elle sur la distribution des vaccins dans le monde?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénatrice Mégie. Comme je l’ai déjà dit dans cette enceinte récemment, le gouvernement du Canada reste engagé à faire sa part pour contribuer à l’effort mondial de lutte contre la COVID-19 en offrant non seulement un soutien financier, mais aussi des vaccins aux pays qui ont besoin de cette aide.

Pour ce qui est de votre question précise, je l’ai soulevée, mais je n’ai pas encore obtenu de réponse. Encore une fois, je donnerai une réponse au Sénat aussitôt que j’en aurai une.

[Traduction]

Le Service correctionnel du Canada—L’équité en matière d’emploi

L’honorable Jane Cordy : Sénateur Gold, en juillet, le Sondage national du Service correctionnel du Canada sur l’équité en matière d’emploi auprès des employées de 2021 a été publié. Le sondage a permis de recueillir les commentaires des femmes sur leurs expériences au Service correctionnel du Canada et cette information devrait contribuer à structurer et à bâtir une main-d’œuvre représentative et inclusive. Plus de 2 500 employées ont répondu au sondage : 79 % ont indiqué qu’elles étaient à l’aise de révéler à leurs superviseurs des incidents qui compromettent leur bien-être physique et 76 % ont convenu qu’elles se sentaient physiquement en sécurité au travail.

(1450)

Toutefois, seulement 61 % des répondants ont indiqué que leur milieu de travail représente une culture de tolérance zéro envers le harcèlement et la violence fondée sur le sexe; 29 % se disent avoir été victimes de harcèlement ou de violence fondée sur le sexe au travail dans les cinq dernières années. Sénateur Gold, les collègues de travail constituent malheureusement la principale source de harcèlement.

Le Comité des droits de la personne a visité de nombreuses prisons au pays. Dans au moins trois d’entre elles, des employés nous ont dit avoir été harcelés sexuellement par des collègues de travail et, dans bien des cas, leurs supérieurs n’ont pratiquement rien fait. Nous avons aussi entendu des témoignages d’employés qui ont subi du racisme et, encore une fois, rien n’a été fait. Ces employés se demandent donc s’ils doivent quitter leur emploi ou se battre pour un milieu de travail plus sécuritaire.

Sénateur Gold, le gouvernement a-t-il donné suite au sondage? Je comprends que la commissaire du Service correctionnel du Canada s’était engagée à tenir des assemblées publiques avec les employés du service correctionnel cet automne. Savez-vous si ces discussions ont eu lieu? Si oui, pourriez-vous présenter les résultats de ces discussions au Sénat? Sinon, pourriez-vous le faire lorsque vous les recevrez?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de soulever un problème préoccupant et, malheureusement, persistant dans un trop grand nombre de nos institutions.

Je n’ai pas la réponse à votre question. Je vais certainement me renseigner et communiquer la réponse au Sénat.

La sénatrice Cordy : Je vous en remercie, sénateur Gold, car, compte tenu du travail qui a été fait au Comité des droits de la personne en ce qui a trait aux droits des prisonniers et, en l’occurrence, aux droits du personnel du système carcéral, il serait très important pour nous, et surtout pour le Comité des droits de la personne, d’avoir cette information.

Sénateur Gold, je crois comprendre qu’en 2020, le Service correctionnel du Canada a lancé sa stratégie nationale globale sur le mieux-être en milieu de travail et le bien-être des employés, conçue pour cerner des risques et dresser des plans d’action avec des modalités précises en matière de reddition de comptes et de suivi du rendement afin de suivre les progrès réalisés.

Malheureusement, le sondage mené en 2021 révèle que des membres du personnel ont encore l’impression que le Service correctionnel du Canada ne prend aucune mesure proactive en temps opportun, y compris lorsqu’il s’agit de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des personnes qui commettent les gestes en question. Près de 48 % des répondantes croient que l’aide aux victimes est inexistante ou qu’elle doit être améliorée, et seulement 42 % estiment que le Service correctionnel du Canada offre des conditions permettant de porter plainte de façon confidentielle et sécuritaire. Il est encore plus décourageant d’apprendre que moins de la moitié des répondantes, soit 46 %, savaient comment soumettre une plainte officielle pour discrimination.

À la lumière des résultats du sondage, et compte tenu de la stratégie nationale globale, quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour combler ces lacunes? Encore une fois, il se pourrait que vous deviez nous transmettre cette information à une date ultérieure. Je vous en saurais gré. Merci.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de soulever la question. En effet, je vais devoir m’informer et vous transmettre l’information. Je vous remercie de la question.

[Français]

Le patrimoine canadien

L’engagement envers le bilinguisme officiel

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je dois d’abord vous dire que j’ai été particulièrement impressionné par la lettre que la ministre des Finances, Mme Freeland, a adressée au président d’Air Canada, Michael Rousseau, pour dénoncer son attitude face au bilinguisme et son affront à tous les francophones du pays, que votre premier ministre a lui-même qualifié de gaffe. J’espère que Mme Freeland fera un suivi rigoureux des engagements qu’elle a reçus de la part du conseil d’administration d’Air Canada. D’ailleurs, je me demande pourquoi ce n’est pas le premier ministre lui-même qui a signé cette lettre au nom des Canadiens et des francophones, un groupe dont il fait partie. Je pourrais aussi vous demander si le premier ministre était mal à l’aise d’exiger lui-même que le président d’une compagnie privée soit bilingue, alors qu’il n’a pas appliqué cette règle lorsqu’il a eu la tâche de nommer le gouverneur général du Canada.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : En ce qui concerne l’enjeu lié au PDG d’Air Canada, le premier ministre et la ministre Freeland font un travail d’équipe.

En ce qui concerne le bilinguisme de la gouverneure générale, premièrement, j’espère que les Canadiens et les Canadiennes sont d’accord avec moi pour dire que l’effort qu’a fait la gouverneure générale en prononçant le discours du Trône a été impressionnant. Il est évident qu’elle a fait un grand effort, et c’était un signe de respect à l’égard de nos langues officielles. Il faut aussi souligner l’importance historique de cet événement car, pour la première fois, une femme innue membre de nos peuples autochtones est devenue gouverneure générale. C’est tout à l’honneur du gouvernement qui a fait ce choix, mais c’est un honneur aussi pour tous les Canadiens et Canadiennes.

Le sénateur Dagenais : Monsieur le leader du gouvernement, vous avez parlé des efforts de la gouverneure générale lors de la présentation du discours du Trône. Ne trouvez-vous pas que la place que la gouverneure générale a accordée au français dans le discours du Trône pourrait être équivalente à celle qu’on accorde à l’un des dialectes de notre pays plutôt qu’à une langue officiellement reconnue par la Constitution?

Le sénateur Gold : Les deux langues officielles sont primordiales dans l’identité du Canada. La reconnaissance des langues autochtones est également importante pour mener à la réconciliation. Je pense que la nomination de la gouverneure générale actuelle de même que son engagement à maîtriser le français sont des atouts pour le Canada.

La justice

Les droits des victimes d’actes criminels

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénateur Gold, la semaine dernière, lorsque j’ai posé une question sur le meurtre de Marylène Levesque, j’ai mentionné une recommandation du rapport de la coroner Gamache, laquelle préconise l’utilisation du bracelet électronique pour les dangereux criminels que la Commission des libérations conditionnelles du Canada remet en liberté.

Hier, le gouvernement du Québec, par l’entremise de la vice-première ministre Mme Guilbault, a annoncé qu’il procédera à la mise en œuvre du port du bracelet électronique pour les hommes violents à partir du printemps 2022. Le bracelet électronique est un outil de plus en plus utilisé pour protéger les femmes victimes de violence conjugale et sauver des vies.

Au cours de cette semaine d’action pour contrer la violence faite aux femmes, j’aimerais vous rappeler que votre gouvernement n’a rien fait pour protéger les femmes victimes de violence conjugale depuis six ans et, s’il l’a fait, ce n’était que pour les cacher dans leur domicile. Le projet de loi S-205 que j’ai déposé la semaine dernière vise à imposer le port de ce bracelet électronique. Sénateur Gold, puisque le projet de loi S-205 ferait appliquer partout au Canada la mesure que le Québec envisage pour protéger les femmes québécoises, êtes-vous favorable à l’idée d’accorder la priorité à ce projet de loi, afin que l’on puisse le transmettre rapidement au Comité des affaires juridiques, pour mieux protéger les Canadiennes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je souligne encore une fois votre dévouement à cette cause tellement importante, et je vous salue pour l’initiative de ce projet de loi. Comme c’est un projet de loi public du Sénat, je n’ai aucun rôle à jouer à part le fait que je suis sénateur comme vous et les autres. Je compte sur les groupes parlementaires pour faire en sorte que des décisions soient prises en rapport avec votre projet de loi ainsi que tous les autres qui sont inscrits au Feuilleton.

Le sénateur Boisvenu : Je pense que vous mettez le doigt sur le vrai problème. Ce qui est vraiment décevant, c’est que ça prend un projet de loi d’intérêt privé pour protéger les femmes au Canada, alors que ça devrait être le gouvernement de Justin Trudeau qui dépose ce projet de loi. En tant que membre du Conseil privé, vous engagez-vous à demander au ministre de la Justice de déposer le même projet de loi que celui que j’ai présenté ici, mais un projet de loi gouvernemental, qui vise à protéger les femmes au Canada?

(1500)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Je vais certainement transmettre à mes collègues ministres du Conseil privé votre volonté de voir le gouvernement agir en ce sens. Je m’engage à le faire.

[Traduction]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les réfugiés afghans

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, un reportage récemment diffusé à CTV News révélait qu’un grand nombre de réfugiés afghans vivent au Canada dans des « hôtels fantômes » pendant des mois. Ces hôtels n’ont même pas les commodités essentielles comme une cuisine ou une buanderie. Pire encore, les enfants qui s’y trouvent n’ont pas le droit d’aller à l’école. Dans bien des cas, les familles débarquent au pays et n’ont que des espadrilles et des sandales qui ne conviennent pas à nos rudes hivers. Elles s’en remettent à la bienveillance de leurs voisins pour répondre à leurs besoins essentiels.

Sénateur Gold, le gouvernement s’est engagé à accueillir 40 000 réfugiés afghans, mais il n’arrive même pas à répondre aux besoins de moins de 4 000 de ces réfugiés présentement. Pourquoi rien n’a été fait pour assurer un suivi auprès de ces familles? Qu’entend faire le gouvernement pour leur venir en aide?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et de mettre en lumière la situation difficile vécue par les réfugiés au Canada.

Je n’ai pas de détails concernant ce que le gouvernement fédéral fait en collaboration avec les gouvernements provinciaux et avec les organismes sans but lucratif pour venir en aide aux gens dans le besoin. Je vais m’informer et je vous reviendrai rapidement avec une réponse.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, ces familles ont vécu d’énormes traumatismes : elles ont quitté leur terre natale, elles ont dû s’adapter à un nouvel environnement, à une nouvelle langue et à leur nouvelle vie. Ces gens sont reconnaissants au Canada pour l’aide qu’il leur a offerte, mais leurs conditions de vie actuelles ne font qu’aggraver le stress qui pèse sur leur santé mentale déjà fragile. Qu’est-ce qui est fait pour offrir aux réfugiés afghans les services d’aide adéquats dont ils ont tellement besoin?

Le sénateur Gold : Encore une fois, j’avoue ne pas connaître les détails de toutes les mesures mises en œuvre par les différents intervenants, qu’il s’agisse des organismes religieux, des organismes communautaires ou des organismes gouvernementaux. Je sais que les Canadiens et les organismes partout au pays font tout en leur pouvoir pour apporter l’aide requise.

Comme je l’ai déjà dit, je vais tenter d’obtenir toute l’information pertinente et je serai ravi de vous la communiquer lorsque je l’aurai.

L’emploi et le développement social

Le financement de l’accès équitable aux bibliothèques

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement. Elle porte sur la Journée internationale des personnes handicapées, qui aura lieu demain. Il y a eu d’autres questions sur l’appui à cet important segment de la population.

Plus tôt cette année, le gouvernement Trudeau a tenté d’éliminer progressivement le financement du Centre d’accès équitable aux bibliothèques et du Réseau national de services équitables de bibliothèque, deux organismes qui travaillent à offrir des livres accessibles aux personnes ayant une déficience de lecture des imprimés. Heureusement, cette décision a été annulée en mars, et le financement des deux groupes a été rétabli pour un an. La mesure a alors été qualifiée de solution provisoire.

Monsieur le leader, le sursis d’un an que le gouvernement a accordé prendra bientôt fin. Le gouvernement a-t-il trouvé une solution à long terme pour aider ces deux organismes à continuer le travail important qu’ils font?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Comme je l’ai dit à la législature précédente — et je me réjouis que vous ayez soulevé la question à nouveau —, ces programmes sont importants. Tout comme vous, je suis heureux qu’une solution ait été trouvée, même si elle était provisoire.

Je vais devoir m’informer pour savoir si le financement de ce programme sera maintenu ou si d’autres mesures seront prises pour soutenir ces organismes afin que les personnes vivant avec une déficience aient accès à des livres. Je m’engage à le faire.

La sénatrice Martin : Ce ne sont pas les seuls groupes qui ont risqué de perdre leur financement jusqu’à ce qu’une solution provisoire soit trouvée. En 2018, le gouvernement Trudeau a tenté de retrancher 2,5 millions de dollars du budget du programme d’accès équitable aux bibliothèques de l’Institut national canadien pour les aveugles en omettant d’inclure son financement dans le budget de 2018. Heureusement, grâce aux pressions exercées, ce financement a été rétabli.

Je sais que la ministre Freeland et votre gouvernement sont en train de préparer un budget qui sera présenté d’ici quelques mois. Il faut agir sans tarder. Je sais que vous ne pouvez pas prendre d’engagement aujourd’hui, mais comme vous allez demander pour les deux autres organismes si on peut trouver une solution plus permanente ou pérenne, pourriez-vous confirmer que le financement de l’Institut national canadien pour les aveugles sera prévu dans le budget? J’aimerais m’assurer que nous n’allons pas retirer des fonds aux malvoyants canadiens dans le budget de 2022. Pourriez-vous également vous renseigner à ce sujet?

Le sénateur Gold : En ce qui concerne ce qui est inclus dans le budget, non seulement je ne suis pas au courant, mais je veux être transparent; je ne pense pas que je puisse dévoiler ce qui est dans le budget avant qu’il ne soit officiellement présenté.

Cela dit, je souhaite réitérer ce que j’ai dit plus tôt et souligner que le gouvernement s’engage à travailler avec la communauté des personnes handicapées pour développer conjointement des programmes qui les aideront à mieux s’intégrer dans la société canadienne. Cela demeure la position et l’engagement du gouvernement.


ORDRE DU JOUR

Le Budget des dépenses de 2021-2022

Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er décembre 2021, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2022, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

 — Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole au sujet de la motion du gouvernement no 4 portant que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice 2021-2022.

Chers collègues, comme vous le savez, nous avons une pratique de longue date qui permet au Comité sénatorial permanent des finances nationales, dès qu’il sera formé, d’examiner le budget des dépenses avant que l’autre endroit ne dépose au Sénat la loi des crédits connexe.

[Français]

Le gouvernement doit demander l’autorisation du Parlement pour octroyer des fonds au moyen d’un examen exhaustif des dépenses budgétaires proposées et à la suite de l’approbation de projets de loi de crédits.

Afin d’appuyer le Parlement dans l’étude de ces plans de dépenses et pour assurer la transparence et la responsabilité du gouvernement, celui-ci prépare et présente des budgets principaux et supplémentaires ainsi que des rapports ministériels sur ses plans et ses priorités.

[Traduction]

La motion autorise le comité à se réunir, que le Sénat siège ou qu’il soit ajourné, afin que les membres du comité aient toute la souplesse voulue pour exécuter ce travail essentiel. Il s’agit d’une étape fondamentale pour que le Sénat fasse preuve de la diligence raisonnable dans son examen du budget.

Je remercie à l’avance le comité de l’examen qu’il effectuera. J’exhorte tous mes collègues à appuyer la motion.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Code criminel
Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Autorisation à certains comités d’en étudier la teneur

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er décembre 2021, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier la teneur complète du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, déposé à la Chambre des communes le 26 novembre 2021, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

2.de plus, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit séparément autorisé à examiner la teneur des articles 1 à 5 du projet de loi C-3 avant qu’il soit présenté au Sénat, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

3.aux fins de cette étude, les comités susmentionnés soient autorisés à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

4.sous réserve du prochain paragraphe, au fur et à mesure que les rapports des comités autorisés à examiner la teneur complète ou d’éléments particuliers du projet de loi C-3 sont déposés au Sénat, ils soient inscrits à l’ordre du jour pour étude plus tard ce jour-là;

5.chacun des comités autorisés à examiner la teneur complète ou d’éléments particuliers du projet de loi C-3 soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, tout rapport ainsi déposé étant inscrit à l’ordre du jour de la séance qui suit le dépôt.

 — Honorables sénateurs, je prends brièvement la parole au sujet de la motion du gouvernement no 5 qui autorise une étude préalable de la teneur complète du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail, déposé à la Chambre des communes le 26 novembre 2021, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat, dès que le comité sera formé, le cas échéant.

[Français]

Cette motion autorise le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier l’ensemble du projet de loi C-3, et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à étudier en particulier les articles 1 à 5 du projet de loi C-3 relatifs aux dispositions du Code criminel avant de recevoir le projet de loi de l’autre endroit.

[Traduction]

Chers collègues, comme vous le savez, nous sommes encore aux prises avec une pandémie mondiale. Presque chaque jour, les nouvelles font état des pressions subies par le système de soins de santé et de l’épuisement des professionnels de la santé. Les Canadiens aussi commencent à en avoir assez. Toutefois, l’impatience et la lassitude ne devraient pas se traduire par du harcèlement et des menaces envers certains professionnels de la santé. Le projet de loi C-3 érige en infraction le fait d’intimider une personne en vue de lui nuire dans l’obtention de services de santé ou d’intimider un professionnel de la santé en vue de lui nuire dans l’exercice de ses attributions.

(1510)

La Dre Katharine Smart, présidente de l’Association médicale canadienne, a dit ceci à ce sujet :

Les mesures législatives en vigueur s’avèrent insuffisantes pour prévenir ces comportements et y réagir. L’AMC est encouragée de constater que la protection de la sécurité des travailleurs de la santé constitue une priorité législative de premier plan pour le gouvernement fédéral et nous demandons à celui-ci d’accélérer l’étude de ce projet de loi. Des mesures législatives sont nécessaires pour éviter d’éventuelles tragédies.

Par ailleurs, le projet de loi C-3 modifie le Code canadien du travail pour que 10 jours de congé de maladie payés par année soient offerts aux travailleurs du secteur privé sous réglementation fédérale.

[Français]

Chers collègues, cette motion permet aux comités mentionnés d’étudier adéquatement le contenu du projet de loi C-3 avant que celui-ci ne parvienne au Sénat. Je crois que les deux comités, compte tenu de leur expertise et de leur mandat respectif, sont les mieux placés pour examiner ces questions d’intérêt public importantes de façon diligente.

[Traduction]

Comme je l’ai dit, les dispositions du projet de loi C-3 réclament que l’étude et la présentation du rapport au Sénat se fassent promptement. Des intervenants majeurs se sont déjà exprimés au sujet de la situation des travailleurs et des professionnels de la santé au pays, y compris le Congrès du travail du Canada, l’Association médicale canadienne, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada et Unifor. Ils se sont tous dits en faveur des dispositions du projet de loi C-3.

La motion à l’étude permet aux deux comités toute la latitude nécessaire pour commencer le travail le plus tôt possible et entendre le point de vue d’importants intervenants, y compris les ministres responsables. Elle donne aux comités le pouvoir de siéger en même temps que le Sénat ou pendant une période d’ajournement du Sénat. Elle leur permet aussi de déposer leur rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas.

[Français]

Honorables sénateurs, je crois que nous convenons tous que la teneur du projet de loi C-3 est suffisamment importante et urgente pour que le Sénat, au moyen de ses comités, entame son étude. Les deux comités sont autorisés à établir leur propre calendrier et à commencer leurs travaux dès qu’ils le jugent nécessaire.

[Traduction]

Une fois mis sur pied, les comités auront ensuite le pouvoir d’établir le calendrier des réunions et de commencer à envoyer des invitations à témoigner pour que, quand nous recevrons le projet de loi C-3, l’important travail préparatoire ait déjà été fait.

Chers collègues, c’est ce que nous faisons le mieux : examiner, recueillir de l’information, étudier et faire rapport. Je vous demande d’adopter cette motion pour que nos comités puissent entamer leur travail aussitôt que possible. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er décembre 2021, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 7 décembre 2021, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice McCallum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre la parole cet après-midi au sujet du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite.

Je remercie notre collègue la sénatrice Julie Miville-Dechêne d’avoir proposé cette nouvelle version améliorée du projet de loi. Je la remercie de son engagement à assurer le bien-être de nos enfants et de nos jeunes, et de sa volonté sincère de faire respecter le droit de chaque enfant canadien à une vie saine et heureuse.

C’est d’ailleurs ce sujet, c’est-à-dire les droits des enfants, que je vais aborder d’emblée aujourd’hui, car nous avons non seulement l’obligation morale de protéger nos enfants et d’en prendre soin, mais, en tant que pays signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant, nous sommes aussi tenus de protéger le droit des enfants à la vie, à la survie et au développement. S’il est vrai que cette convention est souvent traitée comme un idéal, nous sommes tenus de la respecter et de la mettre pleinement en œuvre au Canada.

En ce sens, chers collègues, nous avons une obligation spécifique de protéger nos enfants contre les préjudices causés par du contenu en ligne comme la pornographie. En effet, comme l’a expliqué la sénatrice Miville-Dechêne au début de la semaine dans son discours d’ouverture, l’exposition répétée des enfants et des jeunes à la pornographie est un problème de santé publique dont les effets néfastes sont bien connus.

Selon une recherche publiée par le gouvernement de l’Australie — un pays reconnu comme n’ayant pas son pareil pour offrir aux enfants la protection à laquelle ils ont droit —, la consommation de pornographie peut mener à des pratiques sexuelles à risque, renforcer des attitudes favorisant la violence sexuelle et la violence à l’égard des femmes, et avoir un effet négatif sur l’image que les jeunes ont d’eux-mêmes ou déformer leur vision de ce à quoi ressemble une relation intime saine. Par ailleurs, selon l’American Academy of Pediatrics, l’exposition à de la pornographie peut accroître les taux de dépression, d’anxiété et de comportements violents.

À cet égard, au Canada, certaines communautés ressentent bien plus que d’autres les effets de la pornographie. Je vais m’inspirer de notre collègue la sénatrice McCallum, qui nous a invités à nous pencher sur les effets qu’ont les lois sur les femmes autochtones.

Un rapport publié en 2014 par l’Association des femmes autochtones du Canada décrit comment l’exposition à la pornographie peut inciter les jeunes à rechercher le type de rapports sexuels qu’ils voient en ligne et que cette quête favorise la traite de femmes vulnérables — en particulier des Premières Nations — dans le but de produire du contenu sexuellement explicite. Je sais que ma collègue la sénatrice McCallum nous en dira plus à ce sujet lorsqu’elle interviendra au sujet de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, je souligne que cette mesure législative vise non seulement à mettre les enfants à l’abri des contenus nuisibles publiés sur Internet mais aussi à faire en sorte que les enfants puissent profiter de tous les aspects positifs de la toile pour apprendre, grandir et s’exprimer en toute sécurité.

En mars dernier, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a publié l’observation générale no 25 sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique.

Au paragraphe 14 de ce document, il est clairement dit ceci :

Les possibilités offertes par l’environnement numérique jouent un rôle de plus en plus critique dans le développement des enfants et peuvent être essentielles pour la vie et la survie des enfants, notamment dans les situations de crise. Les États parties devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre les risques qui menacent leur droit à la vie, à la survie et au développement. Les risques liés aux contenus, aux contacts, aux comportements et aux contrats englobent, entre autres les contenus violents, les contenus à caractère sexuel [...]

Au paragraphe 15, il est précisé :

L’utilisation d’appareils numériques ne devrait pas être nocive [...] Les États parties devraient accorder une attention particulière aux effets de la technologie dans les premières années de la vie, lorsque la plasticité du cerveau est maximale et que l’environnement social, en particulier les relations avec les parents et les personnes qui s’occupent des enfants, est déterminant pour ce qui est d’orienter le développement cognitif, émotionnel et social des enfants. Au cours des premières années de la vie, il peut être nécessaire de prendre des précautions, en fonction de la conception, de l’objectif et des utilisations des technologies.

Honorables sénateurs, cela signifie qu’il n’y a pas uniquement un incitatif négatif mais aussi un incitatif positif. En protégeant les enfants et les jeunes de l’exposition à la pornographie, on fera d’Internet un outil plus sûr. Dans un monde où la taille et la complexité d’Internet augmentent de jour en jour, cet enjeu devrait être prioritaire pour les parlementaires que nous sommes.

(1520)

De plus, l’observation générale no 25 formulée par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies soutient clairement l’objectif du projet de loi. Le paragraphe 24 dit très clairement que les États parties devraient veiller à ce que leurs lois et politiques nationales relatives aux droits de l’enfant traitent de l’environnement numérique, et que les États devraient « mettre en œuvre des réglementations, des codes professionnels, des normes de conception et des plans d’action en conséquence, lesquels devraient tous être régulièrement évalués et mis à jour ».

On peut aussi lire ce qui suit au paragraphe 54 :

Les États parties devraient protéger les enfants contre les contenus nocifs et douteux et veiller à ce que les entreprises concernées et les autres fournisseurs de contenus numériques élaborent et appliquent des directives permettant aux enfants d’accéder en toute sécurité à des contenus diversifiés, en reconnaissant le droit de l’enfant à l’information et son droit à la liberté d’expression, tout en protégeant les enfants contre les matériels nocifs, conformément à leurs droits et au développement de leurs capacités.

Tout cela signifie, chers collègues, que si nous comptons adopter une approche fondée sur les droits pour aborder la question des jeunes et de l’exposition au matériel explicite en ligne, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a établi des attentes claires. Selon celles-ci, les pays qui sont résolus à respecter et à protéger les droits de l’enfant auront, à cette fin, des lois, des règlements et d’autres politiques conçus pour être évolutifs, puisque l’environnement numérique est en constante évolution.

En effet, c’est le genre d’approche que nous devrions adopter à l’égard de toutes nos délibérations. C’est une approche judicieuse et essentielle qui nous permet de réfléchir aux répercussions de ces mesures sur les enfants dans notre société et de déterminer de quelle façon elles contribuent à protéger les droits que notre pays s’est engagé à défendre.

C’est particulièrement important quand on sait qu’il n’y a pas d’intervenant fédéral à Ottawa pour demander des comptes sur la protection des enfants, comme c’est le cas dans bon nombre de provinces et de territoires ainsi que dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, la Suède et la Pologne. Personne n’a pour unique tâche de se pencher sur les droits des enfants, de faire entendre leur voix et de défendre les dossiers prioritaires pour eux. D’ici à ce que cela change, nous avons, comme parlementaires, la responsabilité individuelle et collective de faire de notre mieux pour combler cette lacune. À cet égard, le projet de loi de la sénatrice Miville-Dechêne contribuerait de façon importante à répondre aux besoins des enfants et des jeunes.

Honorables collègues, au Canada, des milliers d’enfants et de jeunes sont exposés tous les jours à la pornographie, et ils doivent ou devront composer avec certains effets que la pornographie peut avoir sur l’esprit des jeunes. Nous n’avons pas agi pour les protéger, d’où l’importance de ce projet de loi. Nous avons l’occasion d’offrir aux enfants une protection que nous n’avons pas su leur offrir pendant longtemps et de protéger leur droit de vivre, de survivre et de se développer.

Pour conclure, je veux affirmer que j’appuie ce projet de loi de tout mon cœur. J’espère qu’il sera adopté très rapidement au Sénat, afin d’être renvoyé à l’autre endroit pour obtenir l’accord des députés. Je suggère néanmoins que cette fois-ci, nos délibérations se fassent différemment. D’une manière ou d’une autre, nous devons inviter les enfants et les jeunes du Canada à fournir des commentaires étoffés et significatifs sur ce projet de loi, qu’ils soient d’accord ou pas avec ses intentions. Autrement dit, soit nous présumons de ce qu’ils veulent, soit nous les invitons à s’exprimer eux-mêmes. Je suis convaincue que leurs voix ne pourront que donner de la force à ce projet de loi.

J’espère aussi que ce projet de loi ne constitue que le point de départ de nos discussions sur l’importance de la préservation des droits et du bien-être de nos enfants dans le monde numérique.

Il y a beaucoup à faire, non seulement pour mettre en place des règles appropriées, mais aussi pour donner des outils aux parents qui cherchent à protéger leurs enfants et leurs jeunes, ainsi que pour lutter contre la haine en ligne et contre la désinformation sous toutes ses formes.

Je conclus en rappelant à mes collègues que lorsque nous prenons le temps de penser à nos enfants, nous nous acquittons d’une tâche qui se trouve au cœur de notre rôle de législateur. Nous réfléchissons à l’avenir, à nos perspectives économiques, à notre bien-être social, à la cohésion nationale et à notre rôle de leadership sur la scène internationale. Toutes ces questions sont entre leurs mains. En protégeant leurs droits et en assurant leur bien-être, nous plaçons le Canada en bonne voie de devenir la magnifique société forte et inclusive que nous souhaitons bâtir.

Meegwetch et merci.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : La sénatrice Moodie accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moodie : Bien sûr, merci.

La sénatrice Miville-Dechêne : D’abord, je vous remercie de votre discours. Merci beaucoup de votre soutien et de l’idée de consulter les enfants. C’est une idée très intéressante, mais je veux vous poser une question en votre qualité de pédiatre.

Tout au long de mes recherches, on m’a dit de faire preuve de prudence. Aucune corrélation directe n’a été établie; nous n’avons que des liens entre l’exposition à la pornographie et les préjudices. On ne peut donc pas parler de recherches solides, ce qui complique l’analyse des préjudices d’un point de vue scientifique.

J’aimerais savoir ce que vous en pensez. Personnellement, je crois qu’il faut appliquer un principe de précaution parce que nous parlons d’enfants. Par ailleurs, comment pouvons-nous mener des recherches solides sans exposer des enfants à du matériel pornographique? Ce serait évidemment inacceptable du point de vue éthique. Nous ne pouvons donc pas avoir de recherches très solides sur cet aspect en particulier. Je vous remercie d’essayer de me donner des éléments de réponse.

La sénatrice Moodie : Vous me posez une question difficile, car, comme vous le dites, aucune approche en matière de recherche n’établit explicitement de lien de cause à effet.

Je dirai néanmoins ceci : il existe des modèles de substitution qui montrent comment le cerveau des enfants se développe en réponse à divers éléments déclencheurs négatifs. Nous avons de vastes connaissances sur les milieux toxiques, l’exposition toxique récurrente des enfants dès leur jeune âge et les effets à long terme.

Mon collègue le sénateur Kutcher sera peut-être en mesure de proposer d’autres modèles au sujet du développement du cerveau et des modèles de comportement des enfants qui sont exposés à des stimuli négatifs à répétition.

Cela étant dit, j’oserais déduire que, bien que nous ne puissions pas exposer intentionnellement des enfants à des stimuli néfastes comme l’exposition récurrente à de la pornographie et à du matériel sexuellement explicite, nous disposons en fait de modèles de substitution qui portent à croire qu’on observerait des comportements et des résultats semblables. C’est le mieux que nous pouvons faire. Je sais que cette approche est imparfaite, mais il existe de nombreux exemples qui démontrent qu’en modifiant ce à quoi les enfants sont exposés, on peut modifier les résultats observés.

(Sur la motion de la sénatrice McCallum, le débat est ajourné.)

(1530)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose que le projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi que j’ai présenté concernant l’abrogation des peines minimales obligatoires et le respect du précieux principe du pouvoir discrétionnaire des juges pour la détermination des peines.

[Français]

Avant de vous exposer les raisons pour lesquelles ce projet de loi est aussi crucial, je m’en voudrais de ne pas commencer par reconnaître et remercier du fond du cœur la sénatrice Pate d’avoir porté si haut le flambeau de ce projet de loi et de bien d’autres causes.

[Traduction]

Sénatrice Pate, j’aimerais vous remercier pour votre travail exceptionnel concernant ces enjeux et pour m’avoir aidé à rédiger ce projet de loi.

Chers collègues, j’ai vu la sénatrice Pate visiter des prisons et je peux vous dire que les prisonniers partout au pays croient en elle pour protéger leurs droits. Elle a acquis tant de crédibilité à ce sujet qu’ils lui font confiance pour défendre leurs droits au Sénat.

Sénatrice Pate, je voue une admiration sans bornes à votre travail et je vous remercie pour tout.

Malgré leur nom, les peines minimales obligatoires vont directement à l’encontre du pouvoir discrétionnaire des juges, qui ne disposent que d’une solution unique. L’approche unique adoptée pour déterminer les peines, comme les peines minimales obligatoires, nuit à la capacité des juges à déterminer des peines appropriées en fonction des circonstances particulières de chaque individu.

Honorables sénateurs, dans le confort de cette salle, il est facile pour nous de créer des lois qui nous semblent justes. Nous créons des lois que nous pensons bénéfiques pour la société, et pourtant, la plupart d’entre nous ne côtoient jamais les personnes les plus concernées par ces lois.

Par contre, partout au pays, les juges rencontrent ces personnes. Ils finissent par connaître leur situation, une situation sur laquelle ils s’appuient pour déterminer les peines. Chaque jour, les juges se retrouvent face à ces personnes lorsqu’ils prennent la décision ou non de les envoyer en prison pour une période déterminée.

Dans leur forme actuelle, les peines minimales obligatoires lient les mains des juges. Elles leur laissent peu d’autres choix que de regarder la personne en face et lui imposer une peine sans tenir suffisamment compte des circonstances.

Nous, les parlementaires, sans être au fait de ces cas individuels, avons décidé que leur peine va à l’encontre des principes de détermination de la peine. Ce faisant, nous, les parlementaires, empêchons directement les juges de faire le travail pour lequel ils ont été nommés.

En résumé, le projet de loi à l’étude autorise les tribunaux à décider, s’ils l’estiment juste et raisonnable, de ne pas rendre l’ordonnance d’interdiction obligatoire prévue par une disposition du Code criminel, ou d’ajouter des conditions ou de modifier toute condition prévue dans cette disposition. Il exige des tribunaux qu’ils donnent les motifs de leur décision à cet égard.

[Français]

Qui plus est, l’imposition de peines minimales obligatoires fait d’office abstraction des circonstances aggravantes et atténuantes.

[Traduction]

Ainsi, les peines minimales ne respectent pas les principes fondamentaux de détermination de la peine énoncés à l’article 718 du Code criminel, c’est-à-dire :

Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de protéger la société et de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants [...]

Comme beaucoup d’entre vous le savent sans doute, je fais valoir depuis longtemps l’importance de l’indépendance des tribunaux. Or, l’un des éléments fondamentaux de cette indépendance est la capacité des juges d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour trancher correctement les affaires dont ils sont saisis.

Honorables sénateurs, ceux d’entre vous qui sont au Sénat depuis quelque temps sauront également que j’ai toujours appuyé l’élimination des injustices qui persistent en raison des peines minimales obligatoires. J’ai présenté un projet de loi concernant le recours aux peines minimales obligatoires non pas une fois, non pas deux fois, mais bien trois fois.

En juin 2013, j’ai présenté le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel (exception à la peine minimale obligatoire en cas d’homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort).

En novembre 2013, j’ai présenté le projet de loi S-209, du même nom.

En février 2014, j’ai présenté le projet de loi S-214, toujours du même nom.

[Français]

Comme l’exprime clairement le titre des trois projets de loi, mon intention était de traiter de l’imposition de peines minimales obligatoires pour ce qui est des changements liés aux peines touchant l’homicide involontaire et la négligence criminelle causant la mort. Je sais maintenant que je ne suis pas allée assez loin.

[Traduction]

Honorables sénateurs, c’était les solutions que je proposais mais maintenant, c’est différent. Je comprends maintenant que mon projet de loi aurait dû avoir une portée plus large.

Lors de la précédente session parlementaire, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ce projet de loi représentait un premier pas, puisque le gouvernement reconnaissait enfin les problèmes liés aux peines minimales obligatoires et semblait vouloir rapidement mettre fin à leur utilisation systématique.

Malgré ces efforts louables, le projet de loi n’allait pas assez loin. Plutôt que de rejeter en bloc les peines minimales obligatoires et de rétablir entièrement le pouvoir discrétionnaire des juges, le projet de loi a supprimé le recours à ces peines dans le cas de seulement 19 infractions. Ce nombre est d’autant plus insuffisant si on pense au fait que, à ce jour, au moins 43 — je le répète, honorables sénateurs —, 43 peines minimales obligatoires ont déjà été invalidées par les tribunaux de différents ordres au pays.

À l’heure où l’on se parle, les tribunaux continuent de déclarer que la façon d’appliquer les peines minimales obligatoires est inconstitutionnelle et disproportionnée et de souligner qu’elle contribue à renforcer le racisme systémique.

Honorables sénateurs, le titre des projets de loi, les discours prononcés à leur sujet et la rhétorique politique ici et à l’autre endroit font qu’il peut être facile d’oublier que des humains sont directement concernés par les décisions que nous prenons, peu importe les enjeux.

En fait, quand le projet de loi C-22 a été présenté à l’autre endroit, je l’ai appuyé vigoureusement et j’ai soutenu avec certains d’entre vous que nous devions encourager son adoption, étant donné qu’il était important de mettre quelque chose en place. Il était important d’obtenir une certaine reconnaissance du gouvernement. Pour moi, c’était une avancée, et ce l’est toujours.

Cela dit, nous savons que le gouvernement prévoit présenter de nouveau un projet de loi sur les peines minimales obligatoires. Avant qu’il le fasse, honorables sénateurs, nous avons maintenant l’occasion d’envoyer un message très fort en renvoyant ce projet de loi à l’autre endroit. Nous pouvons envoyer un message selon lequel, cette fois-ci, nous n’accepterons pas seulement de cocher une case. Nous n’accepterons pas de régler le quart ou la moitié de la question.

Chers collègues, nous avons l’occasion de dire à l’autre endroit que le moment est venu de rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges et de faire respecter la justice pour tous les Canadiens. Honorables sénateurs, ce projet de loi est très important parce que les mesures législatives bancales ont une incidence directe sur la vie des gens.

[Français]

Le plus souvent, ce sont les personnes laissées pour compte et qui sont obligées de trouver des moyens de survivre qui entrent en conflit avec les lois existantes.

(1540)

[Traduction]

Certains d’entre vous ont peut-être entendu parler de l’histoire de Cheyenne Sharma, une jeune autochtone. Lorsqu’elle a été condamnée, elle avait 23 ans et était monoparentale. La grand-mère de Mme Sharma est une survivante des pensionnats qui s’est retrouvée enceinte après avoir été violée à l’âge de 13 ans. Sa mère s’est retrouvée prise dans les griffes du système de placement en famille d’accueil.

Cheyenne Sharma n’avait que 5 ans lorsque son père a été déporté à Trinidad. Elle a fugué à 13 ans, puis à 15 ans. Elle a alors été obligée de commencer à se prostituer. Elle a dit que c’était parce qu’elle avait besoin d’argent pour payer son loyer, sinon elle risquait d’être expulsée. Honorables sénateurs, songeons un instant à nos propres enfants. Où étaient-ils à 13 ans et à 15 ans? Que faisaient-ils? Étaient-ils à l’école? Pratiquaient-ils leur sport favori? Passaient-ils beaucoup de temps à jouer avec leurs amis? Cheyenne Sharma n’a pas eu la possibilité de faire la moindre de ces choses. À 17 ans, elle avait déjà tenté de se suicider à plusieurs reprises.

[Français]

Dès sa naissance, Cheyenne s’est retrouvée malgré elle dans des circonstances tout à fait indépendantes de sa volonté.

[Traduction]

Honorables sénateurs, les peines minimales obligatoires ne permettent pas à un juge de tenir compte des circonstances de Mme Sharma. Il peut seulement prendre en compte le fait qu’elle a commis un crime.

Heureusement, dans ce cas-ci, le juge Casey Hill de la Cour supérieure de l’Ontario, qui présidait l’affaire, a conclu que la peine minimale obligatoire de deux ans qu’il était chargé d’imposer « […] ne serait pas compatible avec la dignité humaine » et violerait la Charte canadienne des droits et libertés.

Dans le cas trop rare de Mme Sharma, un semblant de justice a prévalu. Toutefois, honorables sénateurs, nous ne pouvons pas laisser la justice reposer sur la bonne volonté de quelques juges bien intentionnés et compatissants. Honorables sénateurs, j’aurais vraiment aimé que cette décision crée un précédent, mais elle ne l’a pas fait. Malheureusement, les autres juges au Canada ne sont pas tenus de suivre l’excellent exemple du juge Hill. Bien trop souvent, ce n’est pas ce qui se produit.

Cet été, je me suis rendue dans des prisons canadiennes en compagnie de la sénatrice Pate et j’ai été très secouée de voir de mes propres yeux la réalité dans ces établissements après deux ans de pandémie. La société a l’impression que les prisonniers sont très bien traités. Eh bien, sénateurs, ce n’est pas ce que j’ai vu. J’ai également été révoltée par le nombre disproportionné d’hommes et de femmes racisés qui se trouvent dans les prisons à sécurité maximale.

[Français]

À l’Établissement de Fraser Valley pour femmes, la cote de sécurité des détenues va de minimale et moyenne jusqu’à maximale.

[Traduction]

La première fois que nous avons rencontré le personnel dans le gymnase de la prison, nous avons appris que les femmes autochtones comptaient pour 61 % des détenues et pour 89 % de celles qui étaient classées au niveau de sécurité maximale. Ces chiffres illustrent, encore une fois, la surreprésentation des Autochtones, en particulier des femmes, dans les prisons canadiennes.

Nous sommes aussi allés à l’établissement de Kent, la seule prison fédérale à sécurité maximale pour hommes située dans la région du Pacifique. À notre arrivée, nous avons rencontré les cadres supérieurs de la prison. Ils nous ont dit que parmi les 240 détenus, 88 — soit environ le tiers — étaient autochtones et que 22 étaient noirs. Rappelons que les Autochtones représentent moins de 5 % de la population canadienne. Nous avons aussi appris que, selon certains prisonniers, la prison est devenue un environnement raciste et toxique. Cela nous rappelle, une fois de plus, qu’il y a du racisme et de la discrimination tous les jours dans les prisons.

Honorables sénateurs, ces gens souffrent, mais très peu de personnes sont à l’écoute. Lorsque la durée d’une peine est établie en appliquant aveuglément la loi sur les peines minimales obligatoires que nous avons adoptée, on ne devrait pas considérer qu’on impose une sanction puisqu’on fait tout simplement preuve de cruauté. Cette approche a pour résultat, d’après les données du Bureau de l’enquêteur correctionnel, que 30 % des détenus et 42 % des femmes qui purgent une peine fédérale sont des Autochtones. Ce taux a augmenté de 43 % depuis 2010. Or, au cours de la même période, le taux d’incarcération chez les non-Autochtones a diminué de 14 %. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a souligné que l’incapacité du système de justice pénale de tenir compte des besoins, de l’histoire et des réalités sociales des peuples autochtones est à l’origine de ce fort taux de criminalisation.

Les peines minimales obligatoires posent un autre problème. Elles empêchent les tribunaux de respecter l’alinéa 718.2e) du Code criminel qui exige l’application des principes énoncés dans l’arrêt Gladue. Essentiellement, ces principes garantissent que le juge tient compte du fait que les Autochtones ont rarement le même accès à la justice que les non-Autochtones, ce qui a souvent des répercussions sur l’issue de leur cause. L’arrêt Gladue incite également les juges à faire preuve de davantage de circonspection à l’égard des affaires judiciaires qu’ils traitent et, s’il y a lieu, lors de la détermination de la peine. Honorables sénateurs, comment les juges peuvent-ils respecter ces principes s’ils sont obligés d’imposer des peines minimales obligatoires?

Pour plus de clarté, je précise que l’application des principes de l’arrêt Gladue signifie que le juge doit prendre en compte les éléments suivants de la situation du contrevenant :

• la perspective des membres de votre communauté par rapport à la situation, leurs besoins et ce qu’ils proposent comme solution de rechange à la prison. Votre communauté peut être votre communauté autochtone d’origine ou celle où vous habitez, mais elle est aussi votre réseau de soutien ou les personnes avec qui vous interagissez. Si vous vivez à l’extérieur d’une communauté autochtone ou que vous n’êtes pas lié à l’une d’elles, vous avez quand même une communauté;

• les lois, les pratiques, les coutumes et les traditions juridiques de votre Nation ou de la Nation dans laquelle le crime allégué à été perpétré;

• les manières de rendre une décision qui sont appropriées et adaptées à votre culture.

Au final, les principes ont pour but de documenter les injustices quotidiennes et probablement systématiques auxquelles sont confrontés les Autochtones dans le système de justice.

Ainsi, ce projet de loi est clairement aligné sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

En 2015, la plateforme électorale du gouvernement promettait de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. En 2019, la lettre de mandat du ministre de la Justice a réitéré le besoin de faire des progrès en vue de réaliser cet objectif en plus de donner suite à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ces deux documents recommandent de mettre fin aux peines minimales obligatoires.

Parallèlement, le gouvernement fédéral a lui-même souligné que le pourcentage des populations autochtones dans le milieu carcéral fédéral a presque doublé dans les 10 dernières années à cause des peines minimales obligatoires; 39 % des détenus noirs et 20 % des détenus autochtones ont été reconnus coupables d’un crime assujetti à des peines minimales obligatoires.

[Français]

Honorables sénateurs, comment peut-on s’attendre à ce que les gens puissent réintégrer nos collectivités de façon satisfaisante et sécuritaire quand on s’acharne à les remettre derrière les barreaux de plus en plus longtemps, sans s’attarder aux circonstances qui les y ont menés la première fois?

[Traduction]

À ce jour, les tribunaux du Canada ont déterminé qu’un grand nombre de peines minimales étaient invalides pour de tels motifs. Près de la moitié de ces peines, soit environ 31 des 72 peines minimales obligatoires imposables actuellement, ont été jugées inconstitutionnelles par au moins un tribunal. Environ 25 de ces peines ont été invalidées dans diverses provinces. Dans 11 cas, le tribunal qui a invalidé la peine minimale obligatoire était une cour d’appel ou la Cour suprême du Canada.

(1550)

Dans la décision qu’elle a rendue en 2016 dans l’affaire R. c. Lloyd, la Cour suprême s’est penchée sur la position précaire du Canada en ce qui concerne les peines minimales obligatoires et elle a formulé la suggestion suivante au législateur :

[...] recourir à un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans les cas exceptionnels où elle constituerait une peine cruelle et inusitée.

Cette exemption est liée à l’application des peines minimales obligatoires.

Honorables sénateurs, je répète que la Cour suprême du Canada a parlé des cas où l’application des peines minimales obligatoires constituerait une peine cruelle et inusitée.

Sans l’adoption de mesures législatives comme celles du projet de loi dont nous sommes saisis, les peines minimales obligatoires doivent être contestées devant les tribunaux une à la fois, ce qui mobilise des ressources judiciaires et gouvernementales considérables et oblige des Canadiens à porter le lourd fardeau d’une contestation constitutionnelle. Trop souvent, ceux qui encourent une peine minimale obligatoire qui pourrait s’avérer inconstitutionnelle n’ont tout simplement pas les moyens de défendre leurs droits. Parallèlement, pour ceux qui ont le plus de moyens pour se défendre, les peines minimales obligatoires encouragent les contestations sans fin, notamment les contestations constitutionnelles.

[Français]

Un individu n’a rien à perdre et a tout à gagner s’il affronte la justice en exécutant toutes les manœuvres que lui suggère son avocat pour éviter d’écoper de lourdes peines, plutôt que de voir adopter un règlement rapide.

[Traduction]

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez peut-être que le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les délais dans le système judiciaire fait état des pressions que les peines minimales obligatoires exercent sur les ressources limitées des tribunaux ainsi que de la question pressante des délais dans les procès. Au cours de l’étude, au moins 11 criminalistes ont pointé du doigt les peines minimales obligatoires en tant que facteur contribuant à l’engorgement et à l’inefficacité du système judiciaire. Pis encore, de tels principes contrastent fortement avec ce qui se passe dans les cas où des peines minimales obligatoires s’appliquent. Les peines minimales obligatoires ont souvent pour effet de transférer le pouvoir discrétionnaire des juges à d’autres personnes, sans que celles-ci aient à rendre des comptes au public ou à la procédure d’appel.

Honorables sénateurs, ces autres personnes, c’est nous. Par exemple, les procureurs de la Couronne sont souvent appelés à déterminer quelles accusations porter et s’il convient de porter une accusation assortie d’une peine minimale obligatoire. Trop souvent, leurs motifs ont peu à voir avec les principes juridiques. Dans certains cas, ces pouvoirs sont utilisés comme monnaie d’échange pour inciter la personne à plaider coupable à l’égard d’une accusation de gravité moindre afin d’éviter la peine minimale obligatoire dont elle serait passible si elle est reconnue coupable d’une accusation plus grave.

Honorables sénateurs, aujourd’hui nous avons la possibilité d’envoyer une autre fois le message clair que nous ne soutenons pas cette approche défaillante pour la détermination des peines dans le système fédéral de justice. Ce projet de loi donne enfin une autre possibilité aux juges que les peines minimales obligatoires. En fait, il donne aux juges toute la latitude voulue pour exercer leurs compétences et décider s’il est approprié ou non de choisir les peines minimales obligatoires. Ainsi, cela permet aux juges de choisir librement une autre peine que les peines minimales obligatoires, en particulier s’ils considèrent ces dernières comme inappropriées ou injustes.

Ce projet de loi ne permet pas pour autant aux juges d’agir de façon injuste ou arbitraire en toute impunité. En fait, les pouvoirs que ce projet de loi donnerait aux juges existent déjà et correspondent à ce qui est inscrit dans le Code criminel. Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’article 726.2 du Code criminel stipule :

Lors du prononcé de la peine, le tribunal donne ses motifs et énonce les modalités de la peine; les motifs et les modalités sont consignés au dossier de la poursuite.

Il en découle donc que tous les juges doivent justifier les raisons qui les ont conduits à déterminer une peine. En outre, leurs décisions doivent être conformes aux principes juridiques et elles sont assujetties à l’examen minutieux du grand public, du milieu juridique et des autres juges au moyen des processus d’appel.

Honorables sénateurs, je sais que nous prendrons au sérieux ces principes de transparence et d’équité. C’est intentionnellement que le projet de loi ne va pas jusqu’à empêcher les juges d’imposer des peines minimales. Il oblige simplement les juges qui imposent une peine minimale obligatoire à y réfléchir, à se justifier et à faire preuve d’équité.

En 1987, la Commission canadienne sur la détermination de la peine a constaté que 9 juges sur 10 estimaient que les peines obligatoires avaient nui à leur capacité de prononcer une sentence juste. De plus, toujours en 1987, alors qu’il existait 10 peines minimales obligatoires et que l’approche avait été reportée afin qu’il y ait moins d’accusations portées, 57 % des juges approuvaient leur utilisation. Ils sont allés jusqu’à déclarer que leur utilisation nuisait à leur capacité de déterminer des peines justes et appropriées adaptées aux circonstances entourant le crime.

Depuis, les choses ont continué à empirer. Dans les décennies qui ont suivi, le recours aux peines minimales obligatoires au Canada a connu une croissance alarmante. Le projet de loi s’inspire des spécialistes selon lesquels il faut permettre aux juges de ne pas imposer de peines minimales obligatoires.

[Français]

Je vous demande à tous de réfléchir à cette question : honorables sénateurs, qu’attendons-nous?

[Traduction]

La réalité canadienne doit être mise en contraste avec les expériences vécues dans d’autres États démocratiques dont les lois comprennent des peines minimales obligatoires. Dans plusieurs cas, comme en Angleterre et au pays de Galles, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, en Australie et même dans certains États américains, des mesures ont été prises pour assurer l’intégrité et la constitutionnalité des lois et des droits des citoyens tout en accordant un certain pouvoir discrétionnaire aux juges. La plupart du temps, ce pouvoir discrétionnaire s’applique même aux peines d’emprisonnement à vie les plus graves.

Honorables sénateurs, j’aimerais vous faire part de ce que m’a dit un homme de l’établissement William Head, en Colombie-Britannique, avec qui j’ai eu le privilège de discuter l’été dernier : « Le système carcéral fédéral n’est qu’une machine à détruire les gens. » Je n’arrive pas à m’enlever ces mots de la tête : « machine à détruire les gens ».

Nous avons maintenant l’occasion de changer ces habitudes de longue date.

Honorables sénateurs, lorsque j’étais une jeune avocate de la défense, je me rendais souvent devant les tribunaux avec mon collègue d’expérience, l’honorable Patrick Dohm, qui est devenu juge avant de prendre sa retraite. Il m’a appris que lorsqu’un juge impose une peine à quelqu’un, il doit s’assurer de tout mettre en balance. Il doit tenir compte du genre de personne qui retournera vivre en société. Il avait l’habitude de me dire :

Nous ne devons pas simplement les enfermer à double tour et jeter la clé. Tôt ou tard, ces prisonniers seront libérés, et il faudra les réintégrer à la société.

Honorables sénateurs, quand un détenu de William Head nous dit au sujet du système actuel que c’est une machine à détruire les gens, peut-on dire que nous ayons le bon système?

[Français]

Je me demande sérieusement si nous accomplissons quelque chose qui peut réellement préparer les prisonniers à réintégrer la société.

Honorables sénateurs, je vous invite, comme moi, à vous opposer aux peines minimales obligatoires, qui sont inutiles, et à défendre la discrétion judiciaire.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous sommes censés nous occuper des personnes les plus marginalisées. Il est temps de corriger cette injustice. Il est temps d’agir pour que tous soient traités de façon réellement juste et équitable. Il est temps d’intervenir ensemble.

J’espère, honorables sénateurs, que vous accorderez toute l’attention nécessaire à ce projet de loi. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole pour donner mon appui au projet de loi S-213 afin que des mesures concrètes soient prises au sujet de toutes les peines minimales obligatoires, pas seulement quelques-unes.

(1600)

Merci, sénatrice Jaffer, d’avoir généreusement pris l’initiative de marrainer cette mesure législative, qui vise à corriger les injustices et les iniquités créées et perpétuées par les peines minimales obligatoires.

Les peines minimales obligatoires violent la Charte et les droits de la personne, particulièrement ceux des Autochtones, des Afro-Canadiens et d’autres personnes racialisées, des femmes, des personnes handicapées et des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté.

Quand une peine minimale obligatoire s’applique, le juge ne peut pas respecter les principes de la détermination de la peine pour imposer une peine juste et proportionnée en exerçant son pouvoir discrétionnaire. Notamment, les peines minimales obligatoires empêchent les juges de s’acquitter de leur obligation d’envisager des solutions de rechange aux peines d’emprisonnement, surtout comme moyen de remédier au racisme systémique et à l’incarcération massive des Noirs et des Autochtones.

Comme la sénatrice Jaffer l’a si bien souligné, jusqu’à maintenant, les propositions du gouvernement pour s’attaquer aux peines minimales obligatoires prévoyaient seulement d’abroger un très petit nombre d’entre elles. D’ailleurs, elles font fi des peines les plus sévères qui causent trop souvent les torts les plus flagrants.

Pour les femmes autochtones victimes de violence et de mauvais traitements, la peine minimale obligatoire la plus longue du Canada, soit la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre, a donné lieu à d’innombrables erreurs judiciaires.

Les histoires de ces femmes montrent à quel point il est important d’adopter une approche globale à l’égard de toutes les peines minimales obligatoires incluses dans le projet de loi S-213 et soulignées par la Commission de vérité et réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et le Caucus des parlementaires noirs.

Malheureusement, il arrive trop souvent que les histoires de ces femmes ne soient jamais racontées.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité renforcent le racisme et la misogynie au sein d’un système de justice criminelle qui minimise les inquiétudes des femmes autochtones à propos de leur sécurité, qui ne fait rien quand elles sont à risque, qui blâme et stigmatise ces femmes quand elles sont victimes de violence, leur refilant ainsi la responsabilité de se protéger elles-mêmes avant de s’empresser de les accuser d’être criminellement responsable quand elles agissent pour se protéger ou protéger leurs enfants.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité transfèrent le pouvoir discrétionnaire des juges aux policiers et aux procureurs. Derrière des portes closes, les femmes sont accusées de crimes assortis de peines rigides et sans fin. Les juges ignorent donc — ou se voient forcés d’ignorer — le contexte des accusations, mais aussi la violence subie par ces femmes.

Dans un système raciste et misogyne, les femmes placées devant des peines désespérément longues et très sévères plaident trop souvent coupables dans l’espoir d’obtenir des peines plus légères, même si elles ne sont pas légalement responsables. Elles renoncent à des arguments de défense valides et à leur droit d’avoir un procès juste.

Quels sont les enjeux liés aux peines maximales obligatoires? Elles piègent, isolent et étiquettent faussement les mères, les filles, les sœurs, les tantes et les grands-mères en les qualifiant de personnes dangereuses; elles détruisent des familles et des communautés; elles étendent les ravages causée par les politiques coloniales qui ont mené à la séparation forcée des Autochtones et à leur institutionnalisation.

Deux sœurs issues des Premières Nations — appelons-les « O » et « N » — ont passé presque 30 ans derrière les barreaux pour purger une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité. Comme leurs frères et sœurs, leurs parents et leurs grands-parents, elles sont des survivantes des pensionnats autochtones. « O » a été agressée sexuellement dans l’un de ces pensionnats et a par la suite développé une dépendance à la drogue.

Lorsqu’elles étaient adolescentes, « O » et « N » ont été accusées du meurtre du concierge non autochtone d’un pensionnat. Il avait la réputation d’offrir aux jeunes un endroit où faire la fête, consommer de l’alcool et gagner de l’argent, habituellement en échange de faveurs sexuelles. Il a fait des avances à « O » et « N » et leur a offert de l’argent lorsqu’elles ont refusé. « O » avait honte, mais elle était aussi en colère et voulait protéger sa jeune sœur. Elle aussi avait honte de dévoiler ces détails à son avocat.

Le cousin de 14 ans de « O » et « N » a confessé le meurtre de l’homme, mais a déclaré avoir subi des pressions de la part de la police et de la Couronne, qui étaient déterminées à ce que « O » et « N » soient les principales responsables, afin qu’il témoigne contre ses cousines.

Les sœurs ont été reconnues coupables de meurtre au deuxième degré en Saskatchewan par un jury composé uniquement de Blancs. En choisissant de porter des accusations entraînant une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, la Couronne et la police ont exercé un pouvoir décisionnel important au sujet des peines imposées à ces femmes. Le juge, habituellement chargé de déterminer si une peine est juste au regard des circonstances, n’a rien pu faire en l’occurrence.

Ce que personne n’a envisagé, et encore moins adéquatement contextualisé, c’est la violence raciste et misogyne dont ces deux sœurs ont été victimes. De plus, personne n’a remis en question les mythes et les stéréotypes liés au genre qui ont incité les gens à les juger davantage coupables que leur cousin.

Chaque année, entre 40 % et 50 % des femmes condamnées à la prison à perpétuité sont des Autochtones, et 91 % d’entre elles ont été victimes de sévices physiques et sexuels.

« S », une autre survivante des pensionnats autochtones, a aussi subi de terribles sévices physiques, sexuels et psychologiques. Elle s’est tournée vers les drogues pour s’engourdir et oublier les traumatismes qu’elle avait vécus. La première fois qu’elle s’est retrouvée en prison, c’était pour avoir été complice du trafic de drogues d’un partenaire violent.

Pendant son emprisonnement, « S » s’est déclarée coupable d’un meurtre, alors que le personnel correctionnel et les détenues affirmaient avec vigueur qu’il s’agissait de toute évidence d’un suicide. La femme qui est morte était comme une sœur pour « S ». Elle avait des problèmes de santé incapacitants, et le personnel carcéral ne lui laissait pas d’autre choix que de compter sur l’aide d’autres détenues pour accomplir des activités de base comme se laver, s’habiller et manger.

L’enquête menée après son décès a déterminé que la cause du décès était inconnue. « S », qui se sentait responsable de cette mort, a toutefois plaidé coupable près de quatre ans plus tard, alors qu’elle subissait un énorme stress psychologique en isolement. Son plaidoyer de culpabilité a été accepté, malgré les divergences concernant les faits du décès, et malgré le fait que son plaidoyer était motivé par un intense sentiment de responsabilité personnelle, et non par une responsabilité légale.

Comme beaucoup d’autres gens, « S » avait été hyper-responsabilisée : à cause de la misogynie et du racisme qui existent dans la société et dans le système de justice pénale, elle avait été habituée à s’excuser et à se sentir responsable de tout, y compris de choses qu’elle n’avait pas faites ou dans lesquelles elle n’avait joué qu’un rôle négligeable.

Du fait de son hyper-responsabilisation, le système de justice pénale n’a pas pris le temps de déterminer les circonstances réelles de la mort d’une détenue autochtone et a agi sans réfléchir. C’est ainsi qu’une autre femme autochtone s’est retrouvée à purger une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité.

Comme « S », « Y » est une autochtone qui a survécu à des agressions sexuelles. Elle a été accusée avec plusieurs autres personnes du meurtre d’un homme soupçonné d’avoir agressé des enfants dans leur communauté en Alberta.

Bien que « Y » ait joué un rôle limité dans la mort de l’homme, la police et les procureurs de la Couronne se sont concentrés sur elle. Étant donné qu’elle était la mère d’une des victimes présumées et avait survécu à des agressions sexuelles, ils ont laissé entendre, en l’absence totale de preuve, qu’elle avait un mobile plus puissant et devrait donc assumer une plus grande responsabilité que les autres accusés, y compris le père de son enfant.

La maternité et les agressions subies par le passé par « Y » n’ont pas été prises en compte. Elles ont plutôt été utilisées contre elle pour suggérer qu’elle avait un mobile.

« Y » a été la seule personne à subir un procès pour meurtre au premier degré. En raison de la peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité et la période minimale obligatoire d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui en découlent, elle a reçu la peine la plus sévère, et de loin, parmi les autres auteurs du crime, lesquels étaient autant, sinon plus, coupables.

Les femmes autochtones font face à de nombreuses barrières lorsqu’il s’agit d’expliquer comment le colonialisme, la marginalisation, les antécédents de mauvais traitements ou de violence qui précèdent leurs tentatives de se protéger ont façonné leur criminalisation. Un trop grand nombre n’en sont jamais capables, en raison de la honte, des préjugés et de la discrimination systémique. D’autres, beaucoup trop nombreuses, sont accueillies avec incrédulité si elles arrivent à s’exprimer.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité empêchent de prendre ces facteurs en considération lors de la détermination de la peine. Ainsi, il y a des cas où une femme peut être condamnée pour meurtre alors qu’elle a réagi à une situation violente ou qu’elle a été poussée à intervenir ou à assumer la responsabilité des gestes d’un coaccusé ou d’une autre personne qui s’en est pris à elle.

« C » est aussi une femme autochtone qui a été abandonnée à la rue dans sa jeunesse. Elle a reçu une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au deuxième degré d’une femme qui a contribué à son exploitation, notamment en produisant des vidéos et des photos des agressions sexuelles dont elle a été victime. « C » a réagi avec force pour tenter de se protéger. Elle avait vécu des traumatismes et des agressions dans son enfance, mais elle avait trop peur de parler de ces antécédents avec ses avocats de sexe masculin.

La menace d’une peine d’emprisonnement à perpétuité peu aussi pousser bien des femmes à plaider coupable à des accusations moins graves au lieu de faire valoir qu’elles tentaient de se défendre ou de défendre quelqu’un d’autre.

En 1996, lors de son étude sur l’autodéfense, le ministère de la Justice a examiné les cas de 98 femmes condamnées pour avoir employé une force mortelle afin de se protéger ou de protéger des enfants contre un agresseur. La plupart d’entre elles ont plaidé coupable à des accusations d’homicide involontaire ou même de meurtre au deuxième degré, même si leur situation pouvait être considérée comme un cas de légitime défense.

(1610)

Face à une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, beaucoup de femmes acceptent de plaider coupables. Elles le font principalement parce qu’elles ont des ressources financières limitées, parce qu’elles évoluent dans un système juridique qui ne les a pas protégées de la violence et parce qu’elles craignent de faire subir à leurs enfants l’épreuve de témoigner devant une cour pénale. Dans un système qui trop souvent ne croit pas les femmes, s’il y a des témoins, ce sont souvent leurs enfants.

Dans le système carcéral, les autorités utilisent le fait qu’une femme a reçu une peine d’emprisonnement à perpétuité pour la qualifier de dangereuse, ce qui a pour effet de camoufler encore davantage son expérience de personne marginalisée et de victime, sans oublier son besoin vital d’un soutien culturel et communautaire et de services en santé. Qualifiée à tort de personne violente en raison de sa peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, « S » a passé des dizaines d’années en isolement et a subi des dommages psychologiques dont elle pourrait ne jamais se remettre.

Une autre Autochtone, « SN », a été transférée du système pour adolescents à celui pour adultes. Elle a maintenant passé plus de 30 ans derrière les barreaux alors qu’elle purge une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, la plupart du temps dans des conditions d’isolement brutal. Cet isolement prolongé a grandement détérioré sa santé mentale.

Pour toutes ces femmes autochtones et pour bien d’autres, les peines d’emprisonnement à vie demeurent un fardeau qu’elles doivent porter pendant toute leur vie. Même avec une libération conditionnelle, elles doivent vivre sous surveillance en respectant des conditions qui favorisent l’isolement, comme l’interdiction de voyager pour aller rendre visite à leur famille ou d’entreprendre des relations d’amitié, d’emploi et ainsi de suite. Des femmes retournent en prison non pas parce qu’elles ont récidivé, mais parce que, même pour des infractions administratives mineures, elles peuvent être remises en prison pendant des années.

Si on ferme les yeux et qu’on s’imagine les personnes qui posent le plus grand risque pour le public, en particulier pour la sécurité publique au Canada, voit-on une mère autochtone insuffisamment instruite et sous-employée qui vit dans la pauvreté et qui souffre de traumatismes passés? Ou une victime des pensionnats autochtones arrachée à sa famille par les services de protection de l’enfance? Ou alors une personne qui se démène pour s’occuper de ses enfants et pour les protéger, en plus de vivre avec la crainte d’un conjoint violent? L’inflexibilité des peines minimales obligatoires, qui constitue un incitatif aux plaidoyers de culpabilité pour des crimes de gravité moindre, fait en sorte que ces femmes sont surreprésentées parmi ceux qui purgent les plus lourdes peines au Canada.

Ceux qui appuient les peines minimales obligatoires le font habituellement parce qu’ils veulent réduire la criminalité et rehausser la sécurité de tous. Je ne connais personne, peu importe l’idéologie ou l’allégeance politique, qui ne partage pas cet objectif.

Après des décennies passées à s’accrocher aux faux espoirs suscités par les peines minimales obligatoires, il est de notre devoir en tant que représentants des personnes les plus marginalisées, au nom de la justice et de l’égalité, d’affirmer clairement que tout cela n’est que du vent. Les peines minimales obligatoires ne tiennent pas la route. Elles sont brutales pour les personnes les plus marginalisées qui en sont victimes. Elles n’enrayent pas le crime. Elles constituent un autre échec du système de justice pénale, qui ne protège pas les personnes racialisées et qui ne leur rend pas justice, en particulier pour les femmes qui ont subi des épisodes de violence. Elles exigent que l’on paie entre 200 000 $ et 600 000 $ ou plus chaque année pour chacune de ces femmes emprisonnées.

Le projet de loi S-213 constitue une étape visant à réparer le racisme et le colonialisme, qui ont été tolérés dans le système juridique et qui nous nuisent à tous en rendant le Canada moins équitable et moins juste. Ce projet de loi nous permettra de faire mieux. Meegwetch. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi de l’impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (utilisation des ressources d’un organisme de bienfaisance enregistré).

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’ai conclu mon exposé hier juste avant 16 heures, mais je crois que la sénatrice Lankin a une question et je serai contente d’y répondre, ou de répondre à d’autres questions.

L’honorable Frances Lankin : Merci, sénatrice Omidvar, pour votre travail sur le rapport du comité sur les organismes caritatifs présidé par le sénateur Mercer. Je pense qu’il s’agit d’un travail fondamental et que cette recommandation en fait partie. Je vous soutiens sans réserve dans ce que vous essayez d’accomplir.

La question que je souhaitais vous poser, parce qu’il me semble important d’en parler, est la suivante. Vous avez évoqué à maintes reprises l’utilisation responsable des ressources. Il me semble que vous avez dit que les États-Unis utilisaient un autre terme, mais que l’intention ici est de ne pas diminuer la responsabilité des organismes caritatifs quant à la bonne gestion des dons versés. Je me demande si vous pourriez nous en dire plus sur le terme « utilisation responsable des ressources » et nous expliquer comment cela fonctionnera. Avez-vous déjà une idée de la façon dont l’ARC pourra évaluer cette utilisation responsable pour les donateurs? Merci.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie, sénatrice Lankin. J’apprécie la question, parce que je connais la longue expérience que vous avez acquise au sein du secteur caritatif. Vous avez dirigé Centraide dans ma magnifique ville et vous l’avez fait de main de maître pendant de nombreuses années, alors votre question repose sur une expérience solide et sur des préoccupations fondées. Je suis heureuse que vous l’ayez posée.

En ce qui concerne la comparaison entre le terme « responsabilité des dépenses », employé aux États-Unis, et le terme proposé d’« utilisation responsable des ressources », les meilleurs avocats spécialisés dans le secteur caritatif au Canada m’ont indiqué que le deuxième est mieux adapté au contexte canadien.

Maintenant, il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire, alors, s’il est adopté — j’espère sincèrement que vous l’adopterez, honorables sénateurs —, une des mesures qui suivra sera la tenue de consultations par l’Agence du revenu du Canada sur l’étendue des ressources qui seront ciblées. Y aura-t-il seulement l’argent? Y aura-t-il plus que l’argent?

Si j’espère que le terme correspond davantage à ce que nous voulons cibler, il exprime à tout le moins un désir de responsabilité étendue, qu’il s’agisse seulement de l’argent ou également de la technologie, des installations, du personnel, etc. J’espère que cela répond à votre question.

(Sur la motion du sénateur Dalphond, au nom du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

(1620)

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement à inviter les parties actuelles à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam à réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Ngo, appuyée par l’honorable sénateur Patterson,

Que le Sénat observe que, en adoptant la Loi sur la Journée du Parcours vers la liberté, le 23 avril 2015, et compte tenu des deux premiers éléments du préambule de ladite loi, le Parlement du Canada a reconnu sans équivoque les violations :

a)de l’Accord sur la cessation de la guerre et le rétablissement de la paix au Vietnam et de ses protocoles (Accords de paix de Paris),

b)de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam;

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à inviter au moins six des parties actuelles à l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam — qui comprennent notamment le Canada, la France, la Hongrie, l’Indonésie, la Pologne, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis — à réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam, conformément à l’Article 7b) de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam, afin de régler des différends entre les parties signataires provenant de violations des dispositions des Accords de paix de Paris et de l’Acte de la Conférence internationale sur le Vietnam.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je suis ravi de poursuivre mon discours à l’appui de la motion du sénateur Ngo visant à exhorter le gouvernement du Canada à exercer des pressions pour réunir de nouveau la Conférence internationale sur le Vietnam, conformément aux Accords de paix de Paris.

La signature des Accords de paix de Paris remonte à près de 50 ans. Cela fait un bail. Honorables sénateurs, le Canada a un bilan dont il peut être fier en ce qui concerne le maintien de la paix dans son histoire et au Vietnam : il a sacrifié des troupes dans ce conflit, est partie aux Accords de paix de Paris et a promis de les respecter.

L’adoption de cette motion revêt une grande importance symbolique pour les Canadiens d’origine vietnamienne. Ce serait un premier pas clé en vue de protéger la stabilité d’une région géopolitique influente.

Je suis conscient que pour réunir de nouveau la conférence, au moins six parties aux Accords de paix de Paris doivent y consentir, à moins que les États-Unis et le Vietnam n’en fassent conjointement la demande conformément à l’article 7b). Toutefois, il faut commencer les démarches quelque part, et en l’occurrence, j’estime que le Canada devrait se lancer le premier.

En appuyant cette motion, le Sénat exhorterait le Canada à assumer un rôle de chef de file dans la promotion et la protection de la paix et de l’ordre dans la région indopacifique, conformément aux intentions exprimées récemment dans le discours du Trône.

Des collègues ont entendu les espoirs passionnés du sénateur Ngo pour la relance du processus de paix au Vietnam. Les Accords de paix de Paris prévoyaient une paix durable dans un pays que tant de réfugiés ont fui après une guerre amère, longue et coûteuse. Bon nombre de ces réfugiés sont venus au Canada à la recherche d’une vie meilleure.

Le sénateur Ngo m’a dit que, si le Sénat du Canada adopte cette motion, il montrera aux Canadiens d’origine vietnamienne qu’il reconnait qu’ils ont été forcés de quitter leur pays d’origine à cause de ce qu’il était devenu, c’est-à-dire un pays au bilan épouvantable en matière de droits de la personne qui continue de restreindre tous les droits civils et politiques fondamentaux, y compris la liberté d’expression, d’association et de réunion et le droit de pratiquer librement ses croyances et sa religion.

Il m’a dit que nous donnerions de l’espoir à la diaspora et que nous prouverions que le Sénat du Canada appuie leur aspiration à un Vietnam pacifique et libre. En montrant l’exemple, le Canada peut répandre cet espoir parmi la diaspora vietnamienne du monde entier.

Le Sénat est une Chambre qui permet aux sénateurs de défendre les intérêts des régions et des minorités. C’est la Chambre qui est censée refléter les passions et les priorités des Canadiens qui n’ont peut-être pas une voix aussi importante à l’autre endroit.

C’est pourquoi je crois qu’il est si important d’écouter lorsque le premier sénateur vietnamo-canadien prend la parole au Sénat et nous dit qu’il est important d’agir. C’est pourquoi les propos du sénateur Ngo m’ont incité à défendre les croyances et les valeurs canadiennes en appuyant sa motion.

Sénateur Ngo, je vous remercie de votre décennie de leadership, de défense et de soutien à l’égard de la diaspora vietnamienne au Canada.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer la motion et à étudier la question dans les meilleurs délais. Merci. Qujannamiik.

(Sur la motion du sénateur Dean, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion concernant l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy,

Que le Sénat :

1.rappelle que, malgré l’engagement d’avoir une Constitution entièrement bilingue contenu à l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, des 31 textes formant la Constitution canadienne, à ce jour, 22 ne sont officiels que dans leur version anglaise, dont la quasi-totalité de la Loi constitutionnelle de 1867;

2.demande au gouvernement de considérer, dans le contexte de la révision de la Loi sur les langues officielles, l’ajout d’une exigence voulant qu’un rapport soit soumis aux cinq ans détaillant les efforts déployés pour assurer le respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je vous invite à appuyer cette motion qui vise deux objectifs : tout d’abord, rappeler que, malgré l’engagement pris en 1982 d’avoir une Constitution entièrement bilingue, comme le prescrit l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, à ce jour, parmi les 31 textes formant la Constitution canadienne, 22 ne sont officiels que dans leur version anglaise, y compris la quasi-totalité de la Loi constitutionnelle de 1867; ensuite, demander au gouvernement d’inclure, dans le contexte de la révision de la Loi sur les langues officielles, une obligation de faire rapport périodiquement des efforts déployés pour enfin assurer le respect de l’article 55 et de l’engagement constitutionnel pris il y a près de 40 ans.

Alors que l’Assemblée nationale du Québec se prépare à proposer, dans le cadre du projet de loi no 96 modifiant la Charte de la langue française, d’ajouter deux dispositions à la Loi constitutionnelle de 1867 afin d’affirmer que le français est la langue officielle de la nation québécoise et la langue commune des Québécois, tous les partis fédéraux ont promis d’appuyer ce processus d’amendement constitutionnel bilatéral lors de la récente campagne électorale.

En parallèle, le gouvernement s’est engagé, dans le discours du Trône, à déposer un projet de loi dans le but de moderniser la Loi sur les langues officielles afin de réaffirmer l’importance du français au Canada et d’en promouvoir l’utilisation.

Alors que le statut du français devient un sujet de préoccupation, tant au Parlement qu’à l’Assemblée nationale du Québec, on oublie que, dans ce pays où le français et l’anglais sont les langues officielles, il n’existe toujours pas de version française officielle de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, la majeure partie du texte fondateur, une loi impériale adoptée par le Parlement de Westminster, n’a toujours valeur légale qu’en anglais. Le Canada est ainsi, probablement, le seul pays au monde qui se déclare un État bilingue , mais dont la Constitution est rédigée essentiellement dans une seule de ses langues officielles.

Une telle situation est d’autant plus surprenante en 2021, si l’on considère que l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982 énonce ceci :

Le ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada qui figurent à l’annexe; toute partie suffisamment importante est, dès qu’elle est prête, déposée pour adoption par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, conformément à la procédure applicable à l’époque à la modification des dispositions constitutionnelles qu’elle contient.

(1630)

[Traduction]

Comme vous le savez, notre Constitution est constituée principalement de la Loi constitutionnelle de 1867, qu’on appelle souvent l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, et elle se complète par une trentaine d’autres mesures législatives, y compris des lois qui ont permis aux colonies de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve d’entrer officiellement dans la Confédération.

Huit de ces textes de loi supplémentaires, y compris les lois fédérales qui ont créé de nouvelles provinces, comme le Manitoba, l’Alberta et la Saskatchewan, ont été adoptés dans les deux langues officielles. Cependant, il reste encore 22 documents constitutionnels dont seule la version anglaise possède une valeur légale officielle, y compris, comme je l’ai déjà dit, la majeure partie de la Loi constitutionnelle de 1867, le texte fondateur de notre fédération.

Même si les Canadiens d’expression française ont le droit constitutionnel de s’appuyer sur la version française de toutes les lois fédérales ordinaires, ils ne peuvent pas exercer ce droit fondamental à l’égard de presque tous les textes constitutionnels du Canada, et ce, même si le pays est officiellement bilingue depuis 1968.

Lors du rapatriement de la Constitution en 1982, après le référendum québécois, on a adopté l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982 en promettant de créer deux obligations pour corriger cette situation devenue inacceptable : premièrement, le ministre de la Justice aurait l’obligation constitutionnelle de faire rédiger aussitôt que possible la version française de tous les textes qui font partie de la Constitution; deuxièmement, les gouvernements du pays auraient l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour que ces textes français entrent en vigueur aussitôt que possible.

[Français]

En 1984, le comité de rédaction constitutionnelle a été mis en place par l’honorable Donald Johnston, alors ministre de la Justice du Canada, pour rédiger le texte français de la Constitution. Ce comité était composé d’éminents juristes, dont l’honorable sénateur Gérald Beaudoin, l’honorable Louis-Philippe Pigeon, ancien juge de la Cour suprême du Canada, Me Robert Décary, qui a été par la suite nommé à la Cour d’appel fédérale, et Me Gil Rémillard, qui est devenu ensuite ministre de la Justice du Québec.

En 1990, le comité a remis son rapport final à la ministre de la Justice, l’honorable Kim Campbell, qui l’a ensuite déposé à la Chambre des communes et au Sénat en décembre 1990. La première obligation institutionnelle prévue à l’article 55 a donc été remplie. Malheureusement, il en va tout autrement de la deuxième obligation.

Au cours des sept années qui ont suivi l’année 1990, les gouvernements n’ont pris aucune action concrète pour que la version française des textes constitutionnels soit adoptée. Ce n’est qu’en avril 1997, un peu plus d’une année après le deuxième référendum québécois, que le gouvernement fédéral du très honorable Jean Chrétien a invité celui du Québec à entamer des discussions pour remplir la deuxième obligation. Le gouvernement provincial, dirigé alors par l’honorable Lucien Bouchard, a décliné cette offre.

En avril 1998, le ministère fédéral de la Justice a communiqué de nouveau avec le gouvernement du Québec, pour l’aviser que l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan avaient indiqué que les textes français leur apparaissaient acceptables et que d’autres provinces attendaient l’approbation du Québec et de l’Ontario pour donner leur réponse finale.

Cette demande est restée lettre morte à Québec, et personne à Ottawa n’a semblé vouloir relancer le processus qui aurait enfin mené à une version française officielle de la plus importante loi du pays, la Loi constitutionnelle de 1867.

Ainsi, près de 40 ans après l’engagement solennel de 1982 et 30 ans après le dépôt des versions françaises des textes, une version française du texte fondateur du pays n’est toujours pas en vigueur, au motif qu’une adoption de l’ensemble de ce texte requiert, conformément à la procédure de modification mise en place en 1982 au moment du rapatriement de la Constitution, une résolution adoptée par les deux Chambres du Parlement et une majorité des provinces représentant plus de 50 % de la population canadienne, voire même, selon certains, l’unanimité des provinces.

[Traduction]

Voici ce qu’a expliqué en juin dernier le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles, en réponse à une question de la sénatrice Bovey :

C’est un échéancier qui relève en fait du ministre de la Justice et des procureurs généraux de tout le pays. Pour que cela puisse se faire, il faut réunir toutes les provinces pour obtenir leur accord.

M. Téberge a ajouté :

Cela reste donc encore à faire. Il incombe au gouvernement fédéral de mobiliser les provinces et les territoires en ce sens.

[Français]

Bref, craignant les risques associés à l’amorce d’un tel processus, les gouvernements fédéraux, tant conservateurs que libéraux, n’ont rien fait depuis plus de 20 ans pour doter enfin le pays d’une Constitution bilingue, tout en déclarant qu’ils reconnaissaient la société distincte québécoise, son caractère national, l’importance de la nation acadienne et la volonté de promouvoir l’usage du français au Canada, particulièrement dans les régions où vivent beaucoup de francophones.

Le résultat net de ce manque d’appétit pour l’utilisation d’un processus de modification qui, pourtant, ne changerait rien dans la répartition des pouvoirs, la structure de la fédération et ses institutions, c’est que les gouvernements de ce pays font fi de leur obligation constitutionnelle prévue à l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.

L’absence d’une Constitution bilingue reflétant une caractéristique fondamentale de notre pays est non seulement une aberration, mais elle a également des conséquences pratiques. Dans un rapport d’octobre 2018 qui s’intitule L’accès à la justice en français et en anglais dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, l’Association du Barreau canadien expliquait ce qui suit :

[...] l’absence d’une version officielle française a des impacts pratiques sur le développement du droit et dévalorise la participation des juristes et justiciables d’expression française aux débats sur l’interprétation des textes juridiques les plus fondamentaux à notre société.

Honorables sénateurs, ce serait un euphémisme de dire que le fait de ne pas avoir une version officielle en français de notre Constitution, malgré l’obligation constitutionnelle prévue à l’article 55, est une source de gêne, particulièrement pour les fédéralistes qui vivent au Québec et constitue la preuve d’un manque de leadership politique. Je ne suis pas le premier à en faire le rappel, mais je le fais aujourd’hui dans un contexte bien précis. Comme on l’a indiqué dans le discours du Trône, le gouvernement souhaite moderniser la Loi sur les langues officielles afin de renforcer l’usage du français au Québec, en Acadie et ailleurs au pays.

Alors que le gouvernement travaille sur le texte des propositions qu’il entend déposer sous peu à l’autre endroit, je propose que cette Chambre l’invite à inclure une disposition requérant la soumission de rapports au Parlement aux cinq ans, lesquels détailleront les efforts déployés pour assurer enfin le respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982. L’incorporation de cette disposition dans la Loi sur les langues officielles ferait en sorte que les efforts du gouvernement soient rendus publics périodiquement et rappellerait aux autres gouvernements du pays leur obligation constitutionnelle de compléter cette partie malheureusement toujours inachevée du rapatriement de la Constitution. Comme l’a expliqué l’Association du Barreau canadien dans son rapport, l’ajout d’une obligation de faire rapport aux cinq ans contribuerait à la responsabilisation de tous les acteurs dont la participation est essentielle pour concrétiser la procédure d’amendement constitutionnel applicable.

En terminant, je voudrais souligner une autre initiative pour rappeler au gouvernement son obligation de mettre fin à l’unilinguisme de la Constitution du Canada. En août 2019, le sénateur Serge Joyal, notre ancien collègue, a déposé, conjointement avec le professeur François Larocque, de l’Université d’Ottawa, une demande en jugement déclaratoire et ordonnance judiciaire devant la Cour supérieure du Québec.

(1640)

Cette procédure vise à enjoindre au gouvernement fédéral d’entamer des pourparlers sur la justesse du texte de la version française dans les meilleurs délais, avec les provinces dont l’approbation est nécessaire, conformément à la procédure de modification constitutionnelle applicable.

Pour conclure, honorables sénateurs, je vous invite, par cette motion, à demander au gouvernement de faire le nécessaire pour que les droits constitutionnels des francophones de ce pays soient pleinement respectés.

Merci, meegwetch.

L’honorable René Cormier : Sénateur Dalphond, je tiens d’abord à vous remercier énormément de votre travail et de votre leadership dans ce domaine. Je rappellerais d’ailleurs à cette Chambre que le Comité sénatorial permanent des langues officielles, dans le cadre de son étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, a effectivement publié un rapport sur le secteur de la justice. L’Association du Barreau canadien avait alors expliqué clairement les conséquences regrettables de l’absence de traduction, notamment dans l’affaire Caron en Alberta.

Sénateur Dalphond, êtes-vous d’accord avec moi pour dire que l’absence de traduction de ces documents a un impact réel sur le développement et l’épanouissement...

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénateur Cormier, j’ai le regret de vous dire que votre temps de parole est écoulé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Motion tendant à reconnaître que les changements climatiques constituent une urgence—Ajournement du débat

L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 24 novembre 2021, propose :

Que le Sénat du Canada reconnaisse que :

a)les changements climatiques constituent une urgence qui exige une réponse immédiate et ambitieuse;

b)l’activité humaine est, sans équivoque, responsable du réchauffement de l’atmosphère, de l’océan et de la terre à un rythme sans précédent, et est en train de provoquer des extrêmes météorologiques et climatiques dans toutes les régions du globe, incluant l’Arctique, qui se réchauffe à un rythme plus de deux fois supérieur au taux global;

c)l’incapacité de répondre aux changements climatiques a des conséquences catastrophiques, surtout pour les jeunes Canadiens, les peuples autochtones et les générations futures;

d)les changements climatiques ont un effet négatif sur la santé et la sécurité des Canadiens et la stabilité financière du Canada;

Que le Sénat déclare que le Canada est en période d’urgence climatique nationale, qui requiert que le Canada maintienne ses obligations internationales par rapport aux changements climatiques et augmente ses actions climatiques conformément à l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de deux degrés Celsius et de poursuivre les efforts afin de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius;

Que le Sénat s’engage à prendre des mesures d’atténuation et d’adaptation en réponse à l’urgence climatique et qu’il tienne compte de cette urgence d’agir dans le cadre de ses travaux parlementaires.

— Chers collègues, je m’adresse à vous, en ce début de 44e législature, en espérant que nous, législateurs, puissions tous ensemble répondre à la crise urgente des changements climatiques, qui est maintenant omniprésente dans la vie de tous les Canadiens et Canadiennes.

Au cours des deux dernières années, nous avons été témoins d’événements catastrophiques de plus en plus destructeurs pour l’humanité et la planète entière. Nous avons été accablés par des feux de forêt dévastateurs en Amérique du Nord, en Australie, dans le Nord de l’Afrique et dans les pays de la Méditerranée, des pluies torrentielles et des inondations en Europe, des canicules mortelles en Colombie-Britannique et une saison record d’ouragans en 2020.

Au mois d’août dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a publié le premier volet de son sixième rapport d’évaluation. Le rapport sur les données scientifiques les plus récentes souligne que les changements climatiques sont, sans équivoque, attribuables aux activités humaines, que ses effets se font sentir dans toutes les régions de la planète et que l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés Celsius sera hors de portée si nous ne réduisons pas immédiatement et massivement nos émissions de gaz à effet de serre.

Le secrétaire général des Nations unies, M. Antonio Guterres, a qualifié ce rapport de « code rouge » pour l’humanité. En novembre dernier, le monde entier s’est réuni dans le cadre de la COP26, à Glasgow, pour négocier les modalités d’une action climatique plus ambitieuse et une mobilisation financière accrue pour la lutte contre les changements climatiques. Plusieurs promesses d’actions et d’investissements ont été faites, mais le résultat de ces engagements demeure incertain, alors qu’il est minuit moins et qu’il est primordial de stabiliser le climat de la planète.

[Traduction]

Au Canada, les répercussions sont terribles et se font sentir dans l’ensemble du pays. Si on les compare au réchauffement moyen de l’ensemble de la planète, le réchauffement moyen du Sud du Canada est deux fois plus élevé, et celui de l’Arctique est trois fois plus élevé. Ces changements ont d’importantes répercussions dans toutes les facettes de notre vie.

Les changements climatiques influent sur les déterminants sociaux et environnementaux de la santé : air pur, eau potable, nourriture en quantité suffisante, logement sûr. Ils constituent déjà la plus grande menace qui plane sur la santé humaine.

À titre d’exemple, avec le réchauffement du climat, des maladies infectieuses comme la maladie de Lyme se propagent jusqu’à de nouveaux endroits; il y a chaque année de plus en plus de jours où la température est tellement élevée qu’elle peut causer des décès, une situation qui coûtera de 3 à 4 milliards de dollars par année d’ici le milieu du siècle; on prévoit aussi que les pertes de productivité causées par la chaleur atteindront les 14,9 milliards de dollars d’ici la fin du siècle.

Les changements climatiques détruisent des infrastructures de base et des infrastructures essentielles. Les infrastructures du Canada ne sont pas adaptées aux changements climatiques de plus en plus destructeurs et elles n’y sont pas résistantes non plus. Le Canada, qui accuse déjà un énorme déficit infrastructurel estimé à quelques centaines de milliards de dollars, ne peut pas se permettre d’accroître les risques et de perdre d’autres infrastructures s’il veut maintenir la qualité actuelle des services de base. Voilà la crise qui sévit en Colombie-Britannique, et vous en êtes bien conscient. La destruction d’infrastructures de base a isolé des collectivités du reste du pays. La crise a une incidence sur les chaînes d’approvisionnement et les entreprises : comme une grande partie des exportations canadiennes dépendent de seulement quelques corridors de transport vers la côte du Pacifique, les perturbations permanentes ou à long terme causées par des phénomènes météorologiques extrêmes auront des répercussions négatives durables sur le PIB du Canada.

Toutes les provinces et tous les territoires ont été frappés par des phénomènes météorologiques extrêmes qui ont causé des pertes sans précédent pour les Canadiens. En 2020 seulement, ces phénomènes catastrophiques ont causé 2,4 milliards de dollars en dommages assurés.

Au cours de la dernière décennie, il y a eu deux fois plus de dommages et de pertes causés par des phénomènes météorologiques extrêmes qu’au cours des 30 années précédentes, et le coût moyen des pertes subies chaque année a augmenté pour atteindre l’équivalent de 5 à 6 % de la croissance annuelle du PIB.

Si la tendance actuelle se maintient, les changements climatiques pourraient coûter au Canada environ 20 à 43 milliards de dollars par année d’ici 2050. Cette année, les inondations en Colombie-Britannique pourraient dépasser les incendies de forêt de Fort McMurray en tant que catastrophe la plus coûteuse de l’histoire du Canada.

En outre, les conditions climatiques de plus en plus instables représentent un risque pour le système financier canadien, car elles l’exposent à des vulnérabilités multiples qui s’additionnent. L’Institut canadien pour des choix climatiques nous explique la chose suivante :

« [...] les risques à long terme de la transition ne se reflètent pas entièrement dans les prix du marché, ce qui pourrait orienter les mouvements de capitaux vers des actifs plus risqués, à forte intensité d’émissions plutôt que vers des actifs sobres en carbone. »

Chers collègues, les prévisions du marché évoluent à cause de l’accélération des politiques mondiales et des progrès technologiques, mais aussi en raison de ces événements climatiques extrêmement dévastateurs pour les infrastructures. Des actifs à forte intensité d’émissions qui valent des milliards de dollars se retrouvent immobilisés. Ces pertes se répercutent sur l’ensemble de notre système financier. Les plus grandes institutions et organisations financières mondiales nous mettent en garde. Le Conseil de stabilité financière, qui relève du G20, fut l’une des premières institutions financières mondiales à faire le lien entre le changement climatique et l’instabilité financière.

(1650)

Le réchauffement climatique bouleverse la stabilité sociale et politique partout dans le monde. Au Canada, les Forces armées canadiennes sont de plus en plus souvent sollicitées pour intervenir en cas de catastrophes. Au printemps 2019, davantage de soldats étaient déployés au Canada pour répondre à des catastrophes naturelles qu’à l’étranger.

L’agriculture canadienne souffre aussi des variations de la température et des précipitations. L’été 2021 aura probablement été le plus aride jamais enregistré dans les Prairies, ce qui a entraîné une hausse marquée du prix du blé. L’incertitude entourant nos systèmes agricoles sera source d’importantes hausses du prix des aliments et d’insécurité alimentaire.

Pour les peuples autochtones et les communautés racialisées du Canada, les changements climatiques et la protection de l’environnement constituaient déjà une priorité et une urgence depuis des décennies. Les communautés racialisées ont systématiquement subi les contrecoups des changements climatiques de façon beaucoup plus marquée à cause du racisme environnemental. Les peuples autochtones ont également été la cible d’industries polluantes, ce qui a entraîné la destruction de leurs terres.

Pourquoi une déclaration sur l’urgence climatique, et pourquoi maintenant?

Depuis 2016, 2 044 administrations et gouvernements dans 37 pays représentant plus de 1 milliard de personnes ont déclaré une urgence climatique, la dernière administration en lice étant la Ville de Calgary, qui a adopté cette déclaration il y a deux ou trois semaines dans la foulée de l’élection de sa nouvelle mairesse, Jyoti Gondek. Au Canada, 518 administrations de tous les niveaux ont déclaré une urgence climatique, dont la Chambre des communes, l’Assemblée nationale du Québec et l’Assemblée législative du Yukon.

[Français]

Il est temps que le Sénat se joigne à ces gouvernements en déclarant une urgence climatique nationale. L’environnement et l’action climatique figurent depuis quelques années parmi les enjeux prioritaires au Canada selon une multitude de sondages, un résultat qui n’est pas surprenant étant donné les urgences climatiques qui sont déclarées partout au pays.

Selon Abacus Data, 73 % des Canadiens avouaient en 2019 avoir déjà senti les effets des changements climatiques et, le mois dernier, les deux tiers des Canadiens exprimaient une frustration face au rythme de l’action climatique du gouvernement fédéral. L’appel des Canadiens est clair, et nous, législateurs, devons l’écouter et agir.

En adoptant cette motion, le Sénat démontrera la solidarité tant attendue par nos concitoyens, et nous enverrons un message fort à la Chambre des communes et au gouvernement selon lequel le Sénat est enfin prêt à être à la hauteur de la situation et qu’il s’attendra dorénavant à une réelle action climatique plus ambitieuse.

[Traduction]

J’implore ceux qui hésitent encore à appuyer cette motion de parler à leurs enfants et à leurs petits-enfants et de leur demander ce qu’ils pensent des changements climatiques.

Honorables collègues, je crois que nous ne pouvons faire autrement que d’unir nos efforts et d’appuyer cette motion, car l’enjeu des changements climatiques n’est pas une question partisane; il s’appuie sur des données scientifiques. Nous sommes tous concernés. Les données recueillies par des milliers de scientifiques dans tous les pays du monde représentent l’un des efforts de collaboration les plus impressionnants de l’humanité. Les changements climatiques ont déjà des répercussions concrètes au Canada. Ce n’est pas quelque chose qui arrivera plus tard; les effets se font déjà ressentir. Les conséquences sont coûteuses et dévastatrices, et il est urgent d’agir pour assurer notre santé, notre sécurité et notre stabilité financière.

La façon dont nous devrions nous attaquer au problème des changements climatiques a suscité de nombreux débats et des délibérations intenses, non seulement au Sénat, mais partout ailleurs, et ce débat est nécessaire, car il fait partie du processus démocratique. Cependant, en proposant l’adoption de cette déclaration, je m’attends non pas à ce que nous soyons tous d’accord sur la façon de combattre les changements climatiques, mais à ce que nous reconnaissions l’urgence de la situation, à ce que nous fassions preuve de solidarité envers nos concitoyens, et à ce que nous nous engagions à trouver des solutions constructives dans le cadre de nos travaux parlementaires.

On dit que le Sénat est le défenseur des régions. Or, toutes les régions du pays souffrent actuellement. Les Canadiens méritent que nous reconnaissions qu’il y a une urgence climatique et qu’elle a des répercussions sur leur vie. Ce serait la moindre des choses. J’espère que l’adoption de cette déclaration nous encouragera à unir nos efforts pour trouver des solutions et aider les Canadiens dans le besoin.

J’implore votre aide. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Éric Forest : Chers collègues, c’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion de la sénatrice Galvez, afin que l’on déclare une urgence climatique nationale pour que le Canada augmente ses actions contre les changements climatiques, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris.

[Traduction]

Je remercie la sénatrice Galvez de cette motion visant à ce que le Sénat se joigne à la Chambre des communes et aux 500 administrations provinciales et municipales du Canada qui ont déclaré une urgence climatique, y compris la Ville de Rimouski, qui a adopté une résolution officielle en ce sens, en novembre 2018.

[Français]

Cette résolution survient à un moment charnière alors que la Conférence de l’ONU sur les changements climatiques, la COP26, s’est terminée sans remplir ses promesses.

Malgré certaines avancées, il semble que l’accord final ne permettra pas de freiner le dérèglement du climat. Même si la communauté internationale n’est pas aussi résolue qu’on le souhaiterait pour faire face aux changements climatiques, je crois qu’il est important d’entretenir notre espoir et de continuer la bataille. Le pire qui puisse arriver à ce stade-ci serait de baisser les bras.

J’ai écouté attentivement le discours du Trône et je me réjouis du fait que le gouvernement fasse de cette question une priorité en annonçant certaines mesures : le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre, des investissements dans les transports en commun, des contraintes concernant la vente de véhicules à zéro émission et de l’aide pour les communautés qui font face aux effets des changements climatiques. Le moment d’épiphanie du gouvernement fédéral est peut-être tardif, mais c’est en soi une bonne nouvelle.

Personnellement, c’est en regardant les gouvernements locaux que je vois le plus d’espoir quant à la lutte aux changements climatiques. L’espoir vient des villes et de nos communautés locales. On dit souvent qu’il faut penser globalement et agir localement; l’adage n’a jamais été aussi vrai.

Plusieurs sondages sur les priorités des citoyens dans le cadre des élections municipales ont démontré que la question des changements climatiques était la principale priorité des citoyens et des citoyennes dans plusieurs régions du Canada. Il est également rafraîchissant de voir que bon nombre des jeunes qui ont soutenu ces idées ont été élus. Je pense par exemple au nouveau maire de Laval, Stéphane Boyer, qui a présenté une plateforme verte très élaborée et s’est adjoint la réputée écologiste Laure Waridel à titre de conseillère à la transition écologique. Je pense aussi à la cheffe de Transition Québec, Jackie Smith, qui a réussi à se faire élire à Québec avec une plateforme électorale qui met principalement l’accent sur la transition écologique, et à la nouvelle mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, qui a promis de doter la ville d’un plan crédible et ambitieux de lutte aux changements climatiques, élaboré en collaboration avec les partenaires concernés afin d’atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre prévues dans la Déclaration sur l’urgence climatique.

Plusieurs médias québécois ont remarqué que les environnementalistes semblent prendre d’assaut les élections municipales. Le Québec suit ainsi une tendance lourde qui a été observée ailleurs dans le monde. Il semble que les citoyens préoccupés par l’environnement choisissent de réorienter leur activisme politique vers la sphère municipale, où ils ont l’impression de pouvoir changer les choses concrètement.

En France, par exemple, les écologistes ont obtenu les meilleurs résultats à vie aux élections municipales de juin 2020, l’emportant même dans plusieurs grandes villes, telles que Lyon, Marseille, Bordeaux et Strasbourg.

Regardons rapidement les impacts des changements climatiques sur les municipalités.

L’intérêt des élus locaux à l’égard de la question des changements climatiques s’explique par le fait que les municipalités sont en première ligne lorsqu’il s’agit de subir les effets du dérèglement du climat.

Les risques associés aux changements climatiques sont bien réels : incendies, tempêtes, érosion et inondations qui détruisent des quartiers et des infrastructures publiques, comme on le voit en ce moment en Colombie-Britannique et dans les Maritimes; smog et îlots de chaleur qui menacent les citoyens les plus vulnérables; sécheresses qui réduisent les approvisionnements en eau potable; usure prématurée des canalisations en raison des conditions différentes de celles prévues lors de la construction. L’urgence climatique affecte déjà énormément nos municipalités et nos localités ont tout intérêt à passer à l’action.

(1700)

Quel est le rôle des municipalités dans un tel contexte? Responsables de l’aménagement du territoire, les municipalités posent des gestes qui se répercutent directement sur nos émissions de gaz à effet de serre. Les municipalités ont le pouvoir d’influencer le choix des modes de déplacement.

La présence de corridors cyclables sécuritaires, de traverses pour piétons adéquates et de transports en commun adaptés et efficaces permet aux citoyens de faire des choix plus respectueux de l’environnement. La même chose se produit lorsqu’on se donne la peine de concevoir des communautés qui minimisent les déplacements et facilitent l’accès au transport public.

Toutefois, l’argent doit suivre.

En tant que gouvernements de proximité, les municipalités peuvent mettre en place des mesures qui visent à contrer les changements climatiques et qui nous préparent à faire face aux événements climatiques extrêmes. Encore faut-il qu’on leur en donne les moyens.

Il est illusoire de penser que les municipalités pourront faire face à l’urgence climatique uniquement avec l’assiette fiscale dont elles disposent, qui repose de façon trop importante sur l’impôt foncier. Selon une étude réalisée par le Groupe AGÉCO en 2018, les investissements requis par les 10 principales villes du Québec pour adapter leurs infrastructures aux changements climatiques s’élèveraient à plus de 2 milliards de dollars sur cinq ans, et à 4 milliards de dollars pour l’ensemble du Québec. À cela s’ajoutent les autres responsabilités qu’on leur impose, notamment dans le secteur du développement social.

En conclusion, j’appuie cette motion avec enthousiasme.

[Traduction]

Les changements climatiques, la pire menace pour l’humanité et les finances de l’État, constituent une situation d’urgence qui exige une réponse immédiate et musclée.

[Français]

Cela dit, j’aimerais que le gouvernement fédéral reconnaisse que les municipalités sont responsables de 60 % des infrastructures publiques, et qu’elles sont à la fois victimes des changements climatiques et en mesure de répondre de façon pertinente aux défis occasionnés par l’urgence climatique.

Le gouvernement actuel, qui dit vouloir prioriser la lutte aux changements climatiques au cours de son prochain mandat, doit profiter du prochain budget pour faire équipe avec les municipalités et s’assurer qu’elles disposent des fonds et de la latitude nécessaires pour contribuer pleinement à la lutte aux changements climatiques.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Chers collègues, si je prends la parole aujourd’hui, c’est que j’ai beaucoup cheminé sur la question du changement climatique.

Cet enjeu n’a pas toujours été prioritaire pour moi. Il n’y a pas si longtemps, je jugeais qu’il fallait concentrer nos efforts sur les plus vulnérables, nourrir les êtres humains qui ont faim et contrer la violence envers les femmes avant de pleurer sur le sort des baleines ou des écosystèmes en danger. Évidemment, j’avais tort. Tout est lié, notre survie et celle de la planète; les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux.

Alors que nous soulignons aujourd’hui la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, rappelons-nous que 40 % de la déforestation mondiale se fait par des personnes victimes du travail forcé. Lorsque je vois les déplacements et les migrations d’êtres humains désespérés qui veulent sauver leur famille en fuyant les sécheresses et les catastrophes, je suis bouleversée par leur désespoir et les barrières que l’on érige.

Historiquement, certains se sont intéressés à l’enjeu climatique par la voie de la science. D’autres y sont arrivés en raison de ses impacts économiques. Personnellement, c’est mon engagement social qui m’a amenée à accorder plus d’importance au climat et à l’écologie.

Il faut dire que, pendant plusieurs années, l’enjeu climatique était surtout scientifique. Il fallait mesurer les variations du climat, en analyser les causes et tenter d’en prédire l’évolution. C’était une affaire de climatologues, d’océanographes, de biologistes et de statisticiens.

Cependant, aujourd’hui, maintenant que la science est bien établie, la question climatique est devenue un enjeu politique, pas partisan mais politique au sens noble du terme. C’est à nous, législateurs, de prendre le relais des scientifiques et de mettre en œuvre les changements qui s’imposent. Ces changements toucheront vraisemblablement plusieurs aspects de nos vies : nos sources d’énergie, nos infrastructures, nos habitudes de consommation et les règles qui régissent notre gouvernement et notre économie.

L’objectif de la motion que nous étudions n’est pas de débattre de mesures concrètes. Je vois plutôt l’initiative de la sénatrice Galvez comme un préambule à l’action, un geste qui vise à concentrer notre attention sur le travail à venir. Si la motion d’aujourd’hui est symbolique, nos prochaines actions, elles, ne devraient pas l’être.

En apportant mon soutien à la motion, je voudrais exprimer trois souhaits. Les débats autour de la question climatique sont parfois complexes, remplis d’acronymes, de méthodes de calcul, d’accords internationaux, de protocoles techniques, d’initiatives de l’industrie, de stratégies réglementaires et de solutions technologiques. On peut rapidement avoir la tête qui tourne, et je ne vous cache pas que c’est mon cas.

Dans les débats et discussions à venir, il faudra toutefois garder les idées claires et résister à la tentation de chercher des faux-fuyants, des voies d’évitement, des calculs faussés, des solutions faciles, des slogans à la mode ou des moyens techniques ou rhétoriques d’esquiver les changements nécessaires. Peu importe ce dont il sera question, il faudra toujours chercher les portraits les plus complets, considérer tous les impacts et privilégier les vraies solutions. Nous avons un devoir de réalisme écologique.

Contrairement aux humains, notre planète ne reconnaît ni les frontières, ni les juridictions, ni les changements cosmétiques, ni le marketing vert. Pour cette raison, l’urgence climatique exige de nous, politiciens et législateurs, que nous réfléchissions de manière nouvelle. Elle exige également que nous pensions à long terme, au-delà des calculs partisans, en plaçant l’intérêt de la planète et des générations futures avant notre intérêt immédiat, régional ou national. Je nous encourage donc tous, moi la première, à regarder la réalité écologique en face et à agir en conséquence.

Lorsqu’on entend certains discours sur la question du climat, on a parfois l’impression que la transition à venir consiste à s’acheter une voiture électrique, à installer des machines pour capter le CO2 ou à planter un arbre, alors qu’en réalité, la transition que nous devrons effectuer exigera du courage.

Au chapitre des émissions cumulatives par habitant, le Canada a le deuxième pire bilan au monde. Selon les chiffres de 2018 de la Banque mondiale, le Canada arrivait au septième rang mondial pour les émissions de GES par habitant, devant l’Arabie saoudite et les États-Unis, et ce, même sans tenir compte de ses exportations d’énergies fossiles.

Si nous prenons au sérieux la nécessité d’opérer une transition majeure, il faudra s’éloigner des réflexes du business as usual et oser repenser notre système.

[Traduction]

Dans une lettre d’opinion publiée en janvier 2020, Stephen Jarislowsky, un investisseur canadien bien connu, a écrit ceci :

[...] nous devons malheureusement être prêts à faire des sacrifices, comme l’ont fait ceux de ma génération pendant la guerre. Autrement, des milliards de vies seront en péril à l’échelle mondiale et les structures sociales pourraient s’effondrer.

En matière de politique économique, cela signifie que nous n’avons d’autre choix que d’agir urgemment de façon décisive. Il faut qu’acheter des produits ou des services qui contribuent aux changements climatiques devienne plus coûteux et qu’acheter des produits ou des services qui n’y contribuent pas soit moins coûteux.

Stephen Jarislowsky parle de sacrifices. Il a raison, mais pour réussir cette difficile transition, tout le monde devra contribuer aux efforts. Les régions du pays qui sont en meilleure posture devront soutenir celles pour qui la transition sera plus pénible. Si tout le monde ne pense qu’à ses intérêts à court terme, que ce soit une région du pays face à l’autre ou un pays face aux autres, nous n’atteindrons pas notre but. Il ne faut pas abandonner les travailleurs déplacés et les industries dépassées. Nous ne pouvons pas demander aux pays en développement de contribuer sans que nous leur offrions une aide colossale et le Canada, en tant que pays riche et vaste, devra probablement aussi faire sa part en accueillant les réfugiés climatiques qui viendront cogner à sa porte.

La bonne nouvelle, c’est que les sondages montrent que les Canadiens sont déjà prêts à faire des changements fondamentaux. Un sondage Abacus de 2019 indiquait que 62 % des Canadiens disent être prêts à procéder à des changements d’envergure ou des changements fondamentaux dans le fonctionnement de l’économie afin de lutter contre les changements climatiques. Les deux groupes d’âge qui présentaient l’appui le plus élevé étaient les jeunes — de 18 à 29 ans — et les adultes de plus de 60 ans, comme nous. La question des changements climatiques n’intéresse donc pas seulement les jeunes. Pour ceux qui se le demandent, elle n’intéresse pas seulement la population du Québec non plus. La volonté de changement est souvent la plus forte dans les provinces de l’Atlantique et en Colombie-Britannique, aux deux extrémités du pays.

(1710)

Un sondage réalisé en octobre, soit il y a seulement six semaines, indique une tendance similaire avec 66 % des Canadiens qui estiment que le gouvernement devrait en faire plus pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au pays. Une forte majorité, c’est-à-dire 75 % d’entre eux, pense qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures législatives plus directes et ciblées afin d’y parvenir.

Le public nous demande d’agir et d’avoir le courage de remettre en question le statu quo. Nous devrions accorder la priorité aux Canadiens, surtout les jeunes, au lieu des personnes qui tentent de préserver un système qui fait leur affaire même s’il n’est pas viable.

En résumé, je pense que nous devrions agir en gardiens de l’intérêt du public et des générations futures. Nous ne devrions pas essayer d’adapter ou d’abaisser nos standards sociaux et environnementaux émergents dans le but de servir des intérêts économiques à court terme. Nous devons plutôt veiller à aligner immédiatement notre économie sur les limites de la planète et la viabilité de la société.

Voilà ce que signifie pour moi la motion présentée aujourd’hui, que j’appuie sans réserve.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Cadre fédéral de prévention du suicide—Ajournement du débat

L’honorable Stan Kutcher, conformément au préavis donné le 24 novembre 2021, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès qu’il sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, le Cadre fédéral de prévention du suicide, y compris :

a)à déterminer si le cadre a permis de faire diminuer les taux de suicide de façon importante, fondamentale et durable depuis son adoption;

b)à examiner les taux de suicide chez la population canadienne et des groupes particuliers au Canada comme les Autochtones, les personnes racialisées et les jeunes;

c)à faire rapport sur la somme des subventions fédérales accordées aux initiatives et aux programmes de prévention du suicide de 2000 à 2020, et à déterminer quels critères fondés sur des données probantes en matière de prévention du suicide ont orienté les choix;

d)à déterminer, pour chaque initiative ou programme mentionné au paragraphe c), s’il y a eu une baisse importante, fondamentale, durable et démontrable des taux de suicide chez la ou les populations ciblées;

e)à formuler des recommandations pour que le Cadre fédéral de prévention du suicide du Canada et les subventions fédérales destinées aux activités de prévention du suicide soient fondés sur les meilleures données probantes disponibles concernant les causes de la baisse des taux de suicide;

Que le comité soumette au Sénat le rapport final sur son étude au plus tard le 16 décembre 2022.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler de l’importance de la prévention du suicide. Je souhaite expliquer pourquoi je présente une motion tendant à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à mener une étude sur le Cadre fédéral de prévention du suicide. Le suicide est un problème dont nous sommes tous conscients et une tragédie qui a touché de nombreux sénateurs.

Je vous exhorte à envisager de voter en faveur de la motion lorsqu’elle sera présentée. J’aimerais expliquer pourquoi je considère cette étude comme opportune et grandement nécessaire.

Avant mon arrivée au Sénat, j’ai consacré ma carrière à essayer d’améliorer la vie de jeunes et de familles touchés par la maladie mentale. Il m’a parfois fallu faire tout mon possible pour leur venir en aide durant les périodes les plus sombres, par exemple, quand un jeune est convaincu que sa vie ne vaut pas la peine d’être vécue et qu’il vaudrait mieux mourir.

Je suis intervenu auprès de familles dont un être cher s’est enlevé la vie, la plupart du temps de manière inattendue et sans explication. Dans leur douleur et leur chagrin, les familles se font souvent des reproches et se demandent pourquoi. Il est rare que l’on obtienne une réponse à cette question.

Je me suis aussi entretenu avec des collègues qui ont eu du mal à vivre la mort soudaine d’un patient, remettant en question les soins qu’ils ont prodigués et leurs compétences à titre de clinicien.

J’ai également étudié le suicide sous divers angles, surtout chez les jeunes, et j’ai enseigné à des psychiatres et à des médecins comment soutenir, évaluer et gérer les patients présentant un risque de suicide. D’ailleurs, j’ai rédigé un manuel sur ce sujet.

Au-delà de cette expérience professionnelle, à l’instar d’autres sénateurs, j’ai été profondément blessé par la mort soudaine et inattendue d’un membre cher de ma famille. Il s’agit de mon oncle, qui était un banquier prospère et avait une famille qui l’aimait. Personne n’a remarqué qu’il était en dépression. Il a consulté son médecin, mais celui-ci s’est concentré sur ses troubles du sommeil et sur sa fatigue. Il a cherché du réconfort auprès de son pasteur, qui a attribué son angoisse à une perte de foi. Au travail, son rendement a diminué, mais personne ne l’a montré du doigt puisqu’il était le patron.

Comme il avait l’habitude de toujours tout mettre en ordre, il a préparé son testament, il a organisé ses affaires et il a fait en sorte qu’aucun membre de sa famille n’éprouve des difficultés financières après son départ. C’est ce que nous avons appris après sa mort.

En ce qui me concerne, bien que je ne l’avais pas vu et que je ne lui avais pas parlé depuis plusieurs mois avant sa mort — il vivait à Vancouver et moi, à Toronto —, je m’en suis voulu, parce qu’étant quelqu’un qui avait enseigné à d’autres comment prévenir le suicide, j’avais lamentablement échoué dans ma propre famille. Non seulement je l’avais laissé tomber, mais j’avais aussi laissé tomber toute ma famille.

J’ai donc à cœur, tant du point de vue personnel que professionnel, de contribuer à élaborer et à déployer des interventions de prévention du suicide qui, lorsqu’elles sont appliquées, entraînent une baisse des taux de suicide éprouvée et soutenue.

En revanche, je n’ai pas de temps à perdre avec ceux qui utilisent le désespoir lié au suicide et la peine et les souffrances des autres pour vendre, promouvoir ou lancer des activités, des programmes ou des produits qui sont censés prévenir le suicide, alors qu’il n’en est rien.

Je ne m’attends pas à ce qu’une intervention de prévention du suicide donnée empêche tous les suicides. Si quelqu’un dit aux Canadiens qu’une intervention dont il fait la promotion prévient le suicide, je m’attends toutefois à ce qu’il s’appuie sur les meilleures données disponibles, des données solides qui ont été établies de façon indépendante et publiées dans des revues à comité de lecture, pour démontrer que l’intervention en question prévient bel et bien de nombreux suicides.

Ce qu’il faut faire, c’est appliquer les interventions qui ont des effets éprouvés. Ce qu’il faut éviter de faire, c’est d’appliquer des interventions qui, aussi attrayantes soient-elles, ont des effets marginaux ou aucun effet démontré sur la prévention du suicide.

C’est l’objectif que devait atteindre le cadre national de prévention du suicide du Canada, qui a été dévoilé en 2012, à la suite de l’adoption du projet de loi C-300, Loi concernant l’établissement d’un cadre fédéral de prévention du suicide. La question est la suivante : est-ce bien le cas? Quel effet a-t-il eu sur les taux de suicide au Canada et au sein de populations précises au pays depuis sa création? Nous devons le savoir.

Le suicide est un sujet chargé d’émotion. Par conséquent, lorsque nous traitons de la prévention du suicide, nous devons user de notre second examen objectif pour éviter, dans notre quête d’une solution qui fonctionne, de soutenir, de promouvoir ou de financer celles qui ne fonctionnent pas. Bref, faire quelque chose n’égale pas toujours faire ce qui s’impose.

Des études scientifiques robustes de conception appropriée et employant des méthodes et des analyses appropriées sont requises pour mesurer la diminution des taux de suicide. Je propose que nous examinions, par la voie d’une étude en comité, tous les aspects de l’orientation fournie par le cadre quant aux mesures à prendre, afin de déterminer l’efficacité de chacun des éléments. Alors, les Canadiens auront l’assurance que le nécessaire est fait pour prévenir le suicide, que nous ne gaspillons pas des ressources précieuses en les consacrant à ce qui paraît bien, mais s’avère inutile pour réduire les taux de suicide et que nous n’investissons pas dans les mesures à l’effet marginal, mais bien là où nous obtiendrons le plus de résultats pour notre argent.

En outre, une étude pourrait examiner d’autres mesures aux bienfaits secondaires importants en matière de prévention du suicide. Il pourrait être rassurant de savoir qu’une baisse considérable des visites à l’urgence et des hospitalisations à la suite d’une tentative de suicide a été observée. En même temps, nous devons établir ce qu’il faut faire de plus pour démontrer que l’on prévient bel et bien des suicides.

Nous aimerions avoir l’assurance que fournissent des preuves solides et convaincantes sur l’efficacité des interventions qui sont mises en place, avant qu’elles ne soient appliquées. Sans ces preuves, ce serait exactement comme accepter un traitement pour une maladie potentiellement mortelle sans avoir de preuves scientifiques de son efficacité.

Nous ne tolérions pas la dépense de grandes sommes de deniers publics pour des interventions dont l’efficacité n’a été confirmée que par peu de preuves, voire aucune.

Les Canadiens veulent savoir que le cadre offre les meilleures interventions possible pour réduire de façon significative et durable les taux de suicide, et qu’il ne fait pas la promotion d’une pléthore d’activités qui, à première vue, semblent efficaces pour prévenir les suicides, mais qui, après un examen critique minutieux, s’avèrent inefficaces.

Nous savons que les taux de suicide ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du Canada. Ils sont beaucoup plus élevés chez les Autochtones, comparativement à la moyenne nationale, surtout chez les jeunes. Il est essentiel de mettre en place des programmes efficaces de prévention du suicide dans ces communautés. Année après année, on nous rappelle que l’on a pas répondu à ce besoin. Année après année, des gens réclament la création et la mise en place de programmes efficaces de prévention du suicide, surtout pour les jeunes.

(1720)

Le cadre a-t-il eu une incidence marquée sur la réponse à ce besoin pressant? Nous devons le savoir.

Avant et après la création du cadre, des sommes considérables ont été dépensées par divers ministères fédéraux dans la prévention du suicide. Toutefois, à ma connaissance, on ignore généralement si ces dépenses ont permis de réduire significativement les taux de suicide. Par exemple, un article publié en 2018 dans BMC Public Health fait état de cette préoccupation. L’article indique que, entre 2005-2006 et 2015-2016, le gouvernement fédéral a dépensé 108 millions de dollars dans la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones, ou la SNPSJA, mais, selon une évaluation de l’incidence du programme : « [...] rien ne permet d’affirmer que la SNPSJA a eu une incidence positive ou négative sur les taux de suicide. »

Nous ne savons pas si le cadre exige une évaluation indépendante rigoureuse de tous les investissements du gouvernement fédéral dans la prévention du suicide et nous devons le savoir.

Une multitude de programmes de formation et d’autres types d’interventions visant à prévenir le suicide ont été annoncés et mis en œuvre partout au pays par le secteur privé et la société civile au cours de la dernière décennie. Cela a soulevé certaines questions. Par exemple, quelle devrait être la relation, le cas échéant, entre le cadre et ces initiatives? Quelles données indépendantes et fiables permettent d’affirmer que l’un ou l’autre de ces programmes permet effectivement de prévenir le suicide? Est-ce qu’il faudrait utiliser de l’argent des contribuables pour acheter et appuyer ces programmes? Le cadre aborde-t-il adéquatement la question, et fournit-il des directives appropriées? Voilà des questions importantes sur lesquelles le comité s’est penché.

En tant que parlementaires, nous devons veiller à ce que le cadre soit établi en fonction des meilleures données disponibles, des données ayant permis de déterminer ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas. Il existe des données valables permettant d’orienter la conception d’une étude en comité. Par exemple, plusieurs études utiles sur des interventions de prévention du suicide ont permis de déterminer que, selon des données raisonnables, certaines interventions peuvent effectivement prévenir le suicide tandis que, faute de données, on ne peut en dire autant d’autres types d’interventions. L’élaboration et la mise en œuvre du cadre ont-elles fait fond de ces données? Nous devons le savoir.

Si nous voulons mieux prévenir les suicides, nous devons porter une plus grande attention aux populations qui affichent les plus hauts taux. J’ai déjà mentionné la triste réalité du nombre excessivement élevé de suicides chez les Autochtones, mais d’autres groupes sont aussi très vulnérables. Au Canada, le taux de suicide oscille entre 10 et 12 décès pour 100 000 personnes, alors qu’il atteint 5 % pour les personnes aux prises avec une maladie mentale comme la schizophrénie. Si vous faites le calcul, cela représente 5 000 suicides — et non pas 10 ou 12 — pour 100 000 personnes.

On compte environ 360 000 Canadiens schizophrènes à l’heure actuelle. À titre de comparaison, cela signifie qu’un plus grand nombre de personnes atteintes de schizophrénie se suicident que le nombre total de Canadiens morts par suicide de 2014 à 2018, inclusivement. Pour ce qui est des personnes qui vivent avec le trouble bipolaire, on estime que le taux de suicide est de 10 à 30 fois supérieur à celui de la population générale. Par ailleurs, les personnes qui souffrent d’un problème de dépendance à une substance sont aussi plus à risque de se suicider, et ce risque est encore plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Nous devons chercher à savoir si le cadre prévoit suffisamment de mesures pour répondre aux besoins des populations les plus à risque.

Chers sénateurs, je vous ai présenté certaines des préoccupations auxquelles un comité pourrait répondre en procédant à l’examen des éléments du cadre et de son incidence au cours des dix dernières années. Un tel examen pourrait aussi prévoir des recommandations sur la façon d’améliorer le cadre afin d’orienter les efforts de prévention du suicide au Canada au cours de la prochaine décennie et même au-delà.

Honorables sénateurs, le cadre fédéral de prévention du suicide du Canada devrait pouvoir démontrer une incidence positive sur la diminution appréciable et substantielle des taux de suicide dans l’ensemble de la population, surtout dans les populations particulières dont les taux sont les plus élevés. Pour atteindre cet objectif, il doit permettre de déterminer et de promouvoir les interventions qui, selon les meilleures données scientifiques disponibles, sont reconnues comme étant efficaces. Il doit prévoir des investissements dans les ressources qui parviennent réellement à prévenir le suicide et non dans des ressources qui, certains espèrent, pourraient fonctionner ou dans des interventions qui ont un faible effet sur le résultat principal. De plus, il doit permettre de protéger les Canadiens contre la promotion et la vente opportunistes de prétendues interventions de prévention du suicide si les données sur leur efficacité sont insuffisantes.

Chers collègues, nous avons une occasion en or de mener une étude complète avec des critiques constructives sur cette importante question. Dans leurs programmes électoraux, le Parti libéral, le Parti conservateur et le NPD ont tous désigné la santé mentale comme un domaine d’action. Un nouveau ministère de la Santé mentale et des Dépendances vient d’être créé, une première dans l’histoire du gouvernement fédéral canadien. Le moment est venu pour nous d’agir rapidement.

Je suis conscient que les comités sont maîtres de leurs travaux et qu’ils décideront de ce qu’ils jugent nécessaire d’étudier et quand. Cela dit, nos comités peuvent être guidés par les domaines que le Sénat considère comme prioritaires. Le Comité des affaires sociales est le comité idéal pour entreprendre ce travail.

Je vous remercie de votre attention. J’espère que, le moment venu, vous jugerez bon de voter en faveur de cette motion. Merci. Welalioq.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Sénateur Kutcher, il y a une sénatrice qui souhaite poser une question, mais votre temps de parole est presque écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour y répondre?

Le sénateur Kutcher : Bien sûr. Je répondrai volontiers à sa question.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui s’opposent à cette demande veuillent bien dire non.

Sénatrice Batters, vous avez une question?

L’honorable Denise Batters : Merci. Sénateur Kutcher, un an avant d’être nommée au Sénat, j’ai témoigné devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes pour appuyer le projet de loi C-300, Loi sur le cadre fédéral de prévention du suicide. Le Comité de la santé m’avait invitée à témoigner parce que j’avais vécu une expérience tragique, le décès par suicide de mon époux, l’ancien député Dave Batters.

Les conservateurs étaient alors au pouvoir, et j’ai été nommée au Sénat un an plus tard. J’ai eu la chance d’échanger souvent avec la ministre de la Santé du gouvernement conservateur de l’époque de même qu’avec les députés du caucus conservateur, bien sûr. Le gouvernement Trudeau est ensuite arrivé au pouvoir, et il y est depuis six ans.

Je sais qu’à l’époque du gouvernement conservateur, il y avait eu des avancées considérables vers l’établissement du cadre fédéral et qu’on prévoyait des consultations partout au pays. Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau il y a six ans, je n’ai toutefois pas vu de réel progrès dans ce dossier. Pourriez-vous nous dire ce qu’a fait le gouvernement, depuis six ans, pour mettre en œuvre la Loi sur le cadre fédéral de prévention du suicide?

Le sénateur Kutcher : Merci beaucoup pour cette question, sénatrice Batters. Vous et moi partageons la tragédie d’avoir eu à composer avec le suicide d’un membre de notre famille, quoique dans votre cas, c’était une personne beaucoup plus proche que dans mon cas. Il n’en demeure pas moins que c’est une tragédie.

Cette épreuve vécue que nous avons en commun et qui ne nous quittera jamais, vous en conviendrez certainement, nous motive à veiller à ce que le gouvernement en place, quelles que soient ses allégeances politiques, emploie les meilleures données probantes pour confirmer la validité de l’orientation fournie dans les cadres qu’il crée.

Je félicite le gouvernement précédent d’avoir présenté le projet de loi C-300, qui a jeté les bases du cadre qui est en place depuis une décennie. Nous avons l’occasion de répondre à la question que vous venez de me poser et que j’ai moi-même posée au Sénat : quelle a été l’incidence du cadre? A-t-il produit des résultats et réduit de manière considérable et tangible les taux de suicide, non seulement dans l’ensemble du Canada, mais au sein des populations où le problème est plus grave?

Dans la négative, devrait-on l’améliorer? Que peut-on faire pour l’améliorer? Je crois que vous et moi souhaitons tous deux que cet exercice ait lieu. J’espère qu’il en est de même pour tous les sénateurs. Merci.

La sénatrice Batters : Pour revenir là-dessus, sénateur Kutcher, oui, certainement, je veux faire en sorte que les mesures les plus efficaces soient mises en place pour améliorer la prévention du suicide au Canada, mais ma question demeure. Comme vous avez présenté la motion à l’étude, je présume que vous êtes au courant de ce que le gouvernement Trudeau a fait au cours des six dernières années, ce que j’ignore.

(1730)

Je vous demande donc ce qu’a fait le gouvernement Trudeau pour mettre en œuvre le cadre en question et l’appliquer afin d’améliorer la prévention du suicide au Canada.

Le sénateur Kutcher : Je ne crois pas être la personne en mesure de parler au nom du gouvernement au sujet de toutes les mesures qu’il a prises. Je suis au courant de certaines d’entre elles. Comme vous le savez probablement, des rapports sur les activités qui ont eu lieu sont publiés régulièrement sur le site Web.

Les activités sont importantes. Il y a beaucoup d’activités qui pourraient avoir eu lieu et je sais que certaines ont eu lieu. La principale question demeure, cependant : le cadre fournit-il les fondements dont on a besoin au pays pour vérifier que les activités préviennent bel et bien le suicide? À ma connaissance, une telle évaluation du cadre n’a pas été faite. C’est pourquoi j’ai jugé qu’il serait approprié et sage de la part du Sénat d’effectuer une évaluation critique du cadre.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Paula Simons, ayant donné préavis le 24 novembre 2021 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les défis et possibilités auxquels font face les municipalités canadiennes, et sur l’importance de comprendre et de redéfinir les relations entre les municipalités du Canada et le gouvernement fédéral.

 — Honorables sénateurs, j’espère que cette interpellation amènera les sénateurs à entamer une profonde réflexion sur le rôle des municipalités au sein de la Confédération et sur l’urgence de veiller à ce que les municipalités aient les moyens financiers et politiques nécessaires pour mener le Canada vers un avenir plus juste, plus prospère et plus créatif.

Malgré l’immensité de ce pays, près de 82 % des Canadiens vivent dans des régions urbaines, ce qui fait du Canada l’un des trois pays les plus urbanisés du monde. C’est un changement considérable par rapport à la situation du Canada en 1867, époque où 84 % des Canadiens vivaient dans des régions rurales. Au début de la Confédération, la Constitution considérait que les villes relevaient des provinces.

Certaines municipalités sont très populeuses. Par exemple, des villes comme Toronto et Calgary ont une population et une économie qui dépassent largement celles de bien des provinces canadiennes.

D’autres municipalités sont des villes, des villages ou des comtés ruraux de plus petite taille, mais ce sont quand même des municipalités qui doivent faire face à des difficultés semblables à celles qui touchent les grandes municipalités des régions urbaines.

Les gouvernements municipaux se retrouvent en première ligne de tant de crises, d’enjeux et de problèmes majeurs au pays. Par exemple, ils sont directement touchés par les catastrophes naturelles, comme celles qui sont causées par les changements climatiques. Qu’il s’agisse de crues soudaines des eaux, de feux de forêt ou de violentes tempêtes, les municipalités doivent ramasser les dégâts et rebâtir leurs communautés.

Par conséquent, les villes et les villages agissent aussi comme les premiers intervenants lorsqu’il s’agit de rebâtir ou de moderniser les infrastructures pour leur permettre de résister aux aléas des changements climatiques. Qu’il suffise de penser au rééquipement des égouts pluviaux, à la protection des réservoirs d’eau ou au dépeuplement des plaines inondables.

À l’heure de la mondialisation et du multiculturalisme, les municipalités doivent également aider sur le terrain les nouveaux immigrants à s’adapter à la vie au Canada.

Au sein de notre pays toujours aux prises avec les réalités de la réconciliation, les villes et les villages, surtout dans les prairies de l’Ouest, ont été appelés à travailler directement avec les populations autochtones urbaines, en plus de se trouver à l’avant-garde des nouvelles relations avec les Premières Nations avoisinantes. Des villes comme Winnipeg, Saskatoon et Edmonton assument toutes un rôle de leadership dans l’établissement de ces nouvelles relations de confiance.

Les petites et les grandes municipalités doivent vivre concrètement les dilemmes de l’itinérance et de la toxicomanie, alors que les villes et les villages du Canada doivent lutter contre le fléau de la crise des opioïdes.

Dans certaines parties du pays, y compris en Alberta, ce sont les municipalités qui ont réagi le plus urgemment et prestement à la crise de la COVID-19, en mettant en place des mesures de santé publique, comme le port du masque ou des règles sur le taux d’occupation des locaux, alors que les provinces refusaient d’agir.

Or, le rôle des villes ne se limite pas à la résolution de problèmes. Elles sont aussi des moteurs économiques générateurs de créativité dans notre Confédération. C’est là où se rassemblent nos entrepreneurs, nos inventeurs, nos artistes et nos auteurs; c’est là où se trouvent nos universités; c’est là où fleurissent nos théâtres, nos orchestres et nos troupes de danse. Les villes, c’est là où nous allons pour trouver une banque, du capital de risque et tellement d’autres choses liées à nos industries.

La révolution numérique? C’est dans nos villes qu’elle a lieu. Nous nous devons de reconnaître que les municipalités ne sont pas juste chargées de résoudre des problèmes sociaux, mais qu’elles sont des catalyseurs et des incubateurs de prospérité économique. Pourtant ces pauvres « créatures » sont laissées pour compte sur le plan constitutionnel, ce sont les Cendrillon du Canada et les Rodney Dangerfield de la Confédération. Pendant des dizaines d’années, elles se sont battues pour obtenir le respect et les ressources dont elles avaient besoin; et il est arrivé qu’elles arrivent à faire entendre leur voix par intermittence. Pourtant, elles se retrouvent trop souvent encore prisonnières du refrain « deux pas en avant, un pas en arrière ».

Les villes, qui nous fournissent la plupart des services publics essentiels et qui sont responsables en grande partie de notre avenir économique, sont les enfants pauvres du gouvernement. Elles perçoivent beaucoup moins de recettes fiscales que les provinces ou le gouvernement fédéral. Par exemple, sur chaque dollar d’impôt des ménages, les municipalités ne reçoivent que 9 ¢.

En moyenne, les villes canadiennes tirent environ 45 % de leurs revenus des impôts fonciers. Ce modèle entraîne toutes sortes de problèmes. Dans les villes comme Toronto et Vancouver, où les prix des maisons ont explosé pour atteindre des niveaux pharaoniques, les propriétaires peuvent souvent être riches en biens immobiliers, mais pauvres en liquidités, incapables de payer les taxes d’un foyer autrement considéré comme modeste, mais dont la valeur a monté en flèche.

Il y a ensuite le dossier épineux des impôts fonciers sur les immeubles commerciaux — un problème qui pourrait devenir beaucoup plus criant au fur et à mesure que nous assimilons tous les changements sociaux apportés par la pandémie de COVID-19 qui se poursuit.

Même avant l’arrivée du coronavirus, nous faisions la transition entre l’économie industrielle et l’économie numérique. Même avant cette crise sanitaire, les magasins de détail, peu importe leur taille, ressentaient les pressions de la concurrence sur Internet. La pandémie a grandement accéléré l’adoption du magasinage en ligne. Avec les applications de livraison de repas qui ont la cote, combien de restaurants se sentent poussés par la pandémie à changer leurs modèles d’affaires, à réduire, voire à éliminer l’espace réservé pour manger sur place?

Qu’en est-il des tours de bureaux? Le monde des affaires a adopté le télétravail depuis environ 20 mois. Combien de tours de bureaux resteront vides pendant des années? En ce moment, le taux d’inoccupation des bureaux est de 15,7 % au Canada. Plus précisément, il est de 15,5 % à Halifax, de 16,1 % à London et de 24,4 % à Edmonton. À Calgary, le taux d’inoccupation des bureaux au centre-ville est inquiétant : il atteint 31 %.

Combien de projets de nouveaux bureaux dans des villes au Canada ont remis aux calendes grecques?

L’impôt municipal prélevé sur les entreprises se fonde sur la superficie en pieds carrés d’une exploitation. Si les centres commerciaux, les mégacentres, les magasins indépendants et les restaurants ferment leurs portes et que des tours de bureaux ne sont jamais érigées, où les villes trouveront-elles leurs revenus fonciers?

L’économie des ressources industrielles connaît de profonds bouleversements, et les répercussions régionales n’épargnent pas les petites municipalités. Les finances des villes et des comtés de ma province, l’Alberta, sont soumises à d’énormes pressions à cause de la perte de recettes provenant des producteurs d’hydrocarbures.

En 2019, les Rural Municipalities of Alberta ont découvert que les sociétés d’hydrocarbures n’avaient pas payé aux petites villes et aux comtés de la province 81 millions de dollars en impôts fonciers, un montant sans précédent. En janvier 2020, le même organisme a rapporté que les municipalités rurales de l’Alberta avaient un manque à gagner de 173 millions de dollars en impôts fonciers impayés par l’industrie des hydrocarbures. En 2021, les Rural Municipalities of Alberta ont rapporté que les sociétés d’hydrocarbures devaient à leurs membres 245 millions de dollars en impôts fonciers impayés.

Les municipalités n’ont guère d’autres options pour recueillir des fonds. Les frais d’utilisation et de permis ne peuvent simplement pas compenser le manque à gagner quand les impôts fonciers traditionnels ne suffisent pas — ou sont indisponibles — pour assurer le bon fonctionnement de la ville. Entretemps, plusieurs gouvernements provinciaux ont transféré de plus en plus de responsabilités aux municipalités, responsabilités qui relevaient auparavant des provinces, sans nécessairement leur donner les ressources supplémentaires pour les assumer.

Les gouvernements fédéraux successifs au fil des ans ont tenté d’intervenir pour combler l’écart creusé. Le Fonds pour le développement des collectivités du Canada, qu’on appelait auparavant Fonds de la taxe sur l’essence, verse aujourd’hui plus de 2 milliards de dollars aux municipalités du pays — pas directement, mais par l’entremise des gouvernements provinciaux.

Il existe différents autres fonds comme le Fonds pour la large bande universelle, le Fonds pour le transport en commun à zéro émission et le plan Investir dans le Canada, qui ont pour objectif de soutenir les municipalités et de répondre à leurs besoins. Ce financement est le bienvenu, mais il ne suffit pas à régler l’inégalité constitutionnelle au pays qui rend les villes canadiennes, même celles qui ont des millions d’habitants, dépendantes des autres ordres de gouvernement.

Dans un document produit cette année pour le Centre d’excellence sur la fédération canadienne, la professeure de sciences politiques de Dalhousie Kristin R. Good mentionne la décision rendue en 1997 par la Cour de justice de l’Ontario, qui avait rejeté la contestation de la Loi de 1997 sur la cité de Toronto, la loi qui fusionnait dans la controverse de façon unilatérale six municipalités en une seule « mégaville ». Cinq des six villes concernées avaient contesté la loi provinciale devant les tribunaux. Dans la décision qu’elle a rendue dans l’affaire East York c. Ontario, la Cour de l’Ontario a déclaré, premièrement, que les institutions municipales n’ont pas de statut constitutionnel; deuxièmement, que ce sont des créatures de l’Assemblée législative et qu’elles n’existent que si une loi provinciale le veut ainsi; troisièmement, qu’elles n’ont pas d’autonomie propre et que leurs pouvoirs peuvent être abolis ou abrogés par une loi provinciale; et quatrièmement, qu’elles ne peuvent exercer que les pouvoirs qui leur sont conférés par voie législative.

La décision cite l’expert Andrew Sancton, qui a affirmé que les municipalités canadiennes n’avaient aucune protection contre les lois provinciales qui modifient leur structure, leurs fonctions et leurs ressources financières sans leur consentement.

(1740)

Cet état de fait a été encore confirmé en octobre 2021 dans une décision rendue par la Cour suprême. La cour a conclu, à 5 voix contre 4, que l’Ontario avait le droit constitutionnel de réduire considérablement la taille du conseil municipal de Toronto au milieu d’une campagne électorale municipale.

À moins d’un changement fondamental, il semble donc que les municipalités canadiennes resteront coincées à tout jamais dans une relation féodale avec leurs seigneurs les provinces.

L’idée d’une réforme en profondeur de la Constitution n’a probablement aucune chance de réussite. Cela ne nous empêche toutefois pas d’entreprendre des changements graduels afin de donner aux villes et villages du pays une autodétermination économique accrue et un droit de regard accru sur leur planification et leur croissance futures.

Je n’ai pas de solution magique. J’espère plutôt que le Sénat pourra commencer à poser les questions nécessaires. J’invite mes collègues sénateurs à se joindre à moi dans cette entreprise. Cette interpellation a besoin de vos voix, de vos histoires, de vos idées, de vos expériences et de vos réflexions. Plusieurs d’entre vous ont déjà été maires. D’autres ont passé des années à réfléchir à ces questions en raison de leur travail avec les gouvernements provinciaux, les Premières Nations, les organismes sans but lucratif et le milieu des affaires.

Aucun comité sénatorial n’a le mandat voulu pour étudier cette question. J’espère néanmoins que cette interpellation essentielle pourra mettre à profit les meilleures compétences et analyses du Sénat. J’espère que vous prendrez bientôt la parole sur le sujet afin que nous puissions établir une sorte de collection de discours réfléchis qui abordent différents aspects de ce dilemme selon diverses perspectives politiques.

Dans sa bande dessinée Candide, le philosophe français Voltaire laisse entendre que le secret du bonheur dans la vie est de cultiver son jardin.

[Français]

Il faut cultiver notre jardin.

[Traduction]

On peut prendre ce conseil au pied de la lettre ou le voir comme une métaphore, ce qui est mon cas. Les municipalités du Canada sont les jardins où nos collectivités prennent racine et croissent. Elles sont les serres où nous pouvons mettre à l’essai nos plans visant à lutter contre les changements climatiques, à encourager la diversité et à favoriser la réconciliation. Si les villes ne fleurissent pas, le Canada ne peut pas prospérer. Nous devons prendre soin des municipalités, car c’est là que nous semons les germes de notre avenir.

[Français]

Oui, chers amis, chers collègues, il faut cultiver nos jardins et, dans cette Chambre, il faut cultiver nos jardins ensemble. Merci, hiy hiy.

(Sur la motion du sénateur Forest, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le rôle et le mandat de la GRC

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Peter Harder, ayant donné préavis le 25 novembre 2021 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le rôle et le mandat de la GRC, les compétences et capacités nécessaires pour que celle-ci remplisse son rôle et son mandat et comment elle devrait être organisée et dotée de ressources au XXIe siècle.

 — Honorables sénateurs, je vous remercie de me permettre de prendre la parole au sujet de cette interpellation à cette heure, mais je rappelle à ceux qui n’aiment pas particulièrement lire le Feuilleton que cette interpellation y figure depuis le 14 mars dernier et que c’est la première fois que nous parvenons à ce point du Feuilleton, alors je compte bien en profiter.

J’interviens au sujet d’un important dossier de portée nationale et qui est particulièrement pertinent pour les sénateurs, car il concerne la santé, la compétence et l’avenir d’une institution jadis prestigieuse. Il s’agit de la Gendarmerie royale du Canada. Je parle à titre d’ancien solliciteur général adjoint et d’ancien sous-ministre de la Sécurité publique. Par ailleurs, avant ma nomination au Sénat, j’ai été président bénévole du Conseil consultatif des Services nationaux de police.

Comme les honorables sénateurs le savent, la GRC a récemment fait l’objet d’un rapport accablant de la part de l’honorable Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada. Ce rapport, intitulé Rêves brisés, vies brisées, est très difficile à lire.

Le juge Bastarache a été nommé en 2017 comme évaluateur indépendant afin d’examiner les plaintes de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles déposées par plus de 3 000 employées, actuelles ou anciennes, de la GRC à titre de membres régulières, de membres civiles ou de fonctionnaires échelonnées sur plus de 30 ans. Lui et ses collègues ont consacré des centaines d’heures à interroger des femmes dont le rêve d’une carrière valorisante en tant que membres d’une institution emblématique canadienne a été détruit par ce qu’il qualifie d’« environnement de travail toxique » et de culture inconstitutionnelle, une culture qui, pour reprendre ses mots :

[...] a causé des dommages incalculables aux femmes membres de la GRC ainsi qu’à celles qui travaillent pour la fonction publique.

C’est un rapport accablant. Selon le juge Bastarache : « Le niveau de violence et d’agression sexuelle signalé était choquant. »

On ne parle pas de quelques pommes pourries, mais bien d’un problème systémique. Selon lui :

[...] la culture de la GRC est toxique et tolère les attitudes misogynes et homophobes de certains de ses dirigeants et de ses membres.

Le juge Bastarache, comme d’autres avant lui — y compris un ancien vérificateur général très estimé — ont décrit une institution profondément en difficulté dont les problèmes émanent d’une culture paramilitaire dépassée, d’une gestion déficiente depuis de nombreuses décennies et, ce qui est le plus important pour cette enceinte, d’un mandat qui est trop largement et trop lourdement axé sur un rôle de police provinciale, un rôle qui n’est plus approprié pour une organisation fédérale aussi essentielle. Cette organisation est trop grosse pour être efficace.

Aujourd’hui, la GRC a un vaste mandat qui l’oblige à fournir des services de police à des municipalités, même dans de grandes régions urbaines comme Surrey et Richmond, en Colombie-Britannique, à assurer des services de police provinciaux dans 8 des 10 provinces et dans les trois territoires, à fournir des services de police à des centaines de communautés des Premières Nations, en plus de remplir ses fonctions en tant que police fédérale du Canada qui doit notamment s’occuper d’une foule de problèmes liés au crime organisé, au terrorisme, aux drogues et à la traite des personnes, en plus de fournir des services d’expertise judiciaire et d’autres services techniques aux services de police de l’ensemble du pays.

C’est un énorme mandat. Bon nombre d’agents de la GRC vous diront qu’il y a des avantages considérables au fait d’offrir un ensemble de services de police aussi exceptionnellement vaste. Ils vous diront que le temps passé à faire des poursuites automobiles sur la Transcanadienne est un entraînement utile pour les enquêtes sur des crimes économiques, sur le blanchiment d’argent ou sur les cyberprédateurs qui visent les enfants. Je ne suis pas de cet avis. Bon nombre de Canadiens, en particulier dans l’Ouest du pays, voient la GRC comme un service de police admiré pour sa façon mesurée et responsable de maintenir l’ordre dans leurs collectivités.

La veste écarlate, l’image emblématique de l’agent de police à cheval, la formation rigoureuse à Dépôt, à Régina — ce sont là des éléments marquants de l’histoire canadienne, dignes de la fierté nationale. Honorables sénateurs, c’est avec ce point de vue de la GRC que j’ai grandi, comme beaucoup d’entre vous, j’en suis sûr, et certains d’entre vous ont joint ses rangs. Non seulement je crois, mais aussi je sais que les hommes et les femmes membres de la GRC servent leur collectivité et leur pays avec honneur. Aujourd’hui, ce n’est pas tant les individus, mais l’institution qui manque à ses obligations envers le Canada.

De nos jours, on demande à la GRC et à ses employés de faire l’impossible. De plus en plus de gens sérieux dans le milieu de la justice pénale voient la GRC d’aujourd’hui comme une organisation tout simplement mal outillée et mal préparée pour faire face aux nouveaux défis qui menacent la sécurité publique en 2021.

Ces défis exigent des personnes différentes, des compétences différentes, une formation différente, une structure organisationnelle et une orientation différentes, ainsi qu’une répartition des ressources radicalement différente. Dans ces huit provinces — partout sauf en Ontario et au Québec —, la GRC est-elle une police provinciale ou fédérale? En tant qu’ancien sous-ministre du ministère responsable de la GRC, je peux affirmer que la réponse n’est jamais claire. En fait, dans ces huit provinces, la GRC se considère comme une police à la fois provinciale et fédérale, ce qui ne fait rien pour éclaircir les choses sur le plan de la responsabilité lorsque les choses tournent mal.

En avril dernier, nous avons été témoins d’un accident tragique en Nouvelle-Écosse, qui a tué 22 personnes. Il y a des questions concernant l’intervention immédiate et on se demande quel ordre de gouvernement — provincial ou fédéral — devrait être responsable de l’enquête.

Malheureusement, d’expérience, on comprend que la GRC est un service de police provincial qui rend des comptes au procureur général provincial lorsque cela sert les intérêts du commandant de division et un service de police fédéral lorsque les avantages vont dans le sens contraire.

(1750)

Un élément qui semble toujours s’avérer, c’est l’accent que met l’organisation dans son ensemble sur ses responsabilités policières traditionnelles provinciales, c’est-à-dire de servir les communautés, de répondre aux problèmes individuels et de s’occuper des méfaits locaux. Après tout, ces huit provinces paient au moins 70 % du coût des services de police provinciaux, et même jusqu’à 90 % dans certains cas. Plusieurs diraient qu’elles devraient payer la totalité du coût, sans parler de la situation curieuse des contribuables des provinces moins bien nanties qui doivent subventionner les services de police dans l’autre moitié des provinces. Ce que tout cela signifie de façon très concrète, c’est que les provinces commandent au doigt et à l’œil une grande partie de l’activité policière au sein d’une organisation fédérale de 3,5 milliards de dollars comptant plus de 30 000 employés.

En même temps, la GRC est largement perçue comme une organisation qui néglige son rôle fédéral essentiel, qu’elle est la seule à pouvoir jouer. Aux yeux de la plupart des observateurs, la capacité du Canada à affronter les menaces du XXIe siècle, comme le blanchiment d’argent, le passage de clandestins, la criminalité transnationale, les crimes haineux, l’immigration illégale et la contrebande d’opioïdes, est tout simplement inadéquate. Quelque chose ne colle pas. Notre service de police national consacre la majorité de ses efforts à des activités dont les provinces peuvent et doivent s’occuper, alors qu’il néglige le travail dont lui seul peut s’acquitter. Pour résumer, la GRC est une organisation à la fois trop grande pour réussir et incapable de remplir sa tâche.

Honorables sénateurs, je crois que nous devons nous pencher sur cette question. À mon avis, les sénateurs sont bien outillés pour faire ce que le juge Bastarache a recommandé, c’est-à-dire procéder :

[...] à un examen approfondi, externe et indépendant de l’organisation et son avenir en tant qu’organisation policière fédérale.

Je ne suggère pas que nous revenions sur ce qui a été examiné en profondeur par le juge Bastarache ou par des rapports précédents portant sur les problèmes à la GRC. Plutôt, je propose que nous menions une étude sur les sujets suivants : l’avenir de l’organisation; son rôle et son mandat; la façon avec laquelle elle devrait être organisée et dotée de ressources pour assumer un rôle et un mandat que nous jugeons comme appropriés pour le XXIe siècle; les compétences et les autres aptitudes nécessaires pour former un corps policier national qui est efficace; les questions connexes de recrutement, de formation et de perfectionnement; toutes autres questions qui, de l’avis des honorables sénateurs, sont pertinentes pour l’affirmation et le renouvellement d’une grande institution nationale.

Aucun Canadien ne devrait en douter : une institution nationale essentielle, qu’on nous a enseigné à admirer et à respecter, a de graves problèmes qui nécessitent un examen rigoureux, un débat public et une volonté de la part du gouvernement à envisager un changement important. Je cite encore une fois le juge Bastarache :

[Il] est probablement temps de procéder à un examen approfondi, externe et indépendant de l’organisation et son avenir en tant qu’organisation policière fédérale.

Honorables sénateurs, c’est une tâche dont nous pouvons nous acquitter. Nous possédons collectivement l’expérience, le savoir et le jugement voulus pour assumer ce rôle vital avec brio et de manière responsable. Nous pouvons même le faire efficacement. J’ai toujours cru que l’une des responsabilités essentielles de cette assemblée législative consiste à veiller sur les institutions nationales du Canada. Nous pouvons nous acquitter de ce devoir de manière relativement non partisane. Nous pouvons apporter une perspective nationale à des préoccupations nationales.

La GRC est une institution canadienne trop importante pour qu’on ne s’en soucie pas à ce moment décisif de son histoire. Par conséquent, je suggère de créer un comité sénatorial spécial chargé d’étudier l’avenir de la GRC et dont la composition serait déterminée après consultation entre tous les groupes du Sénat. J’espère que cette interpellation suscitera l’intérêt de certains sénateurs et motivera ces derniers à y participer ultérieurement. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, il reste un peu moins de cinq minutes à votre temps de parole et trois sénateurs souhaitent poser des questions. Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Harder, merci de votre discours. Je crois que cette étude serait fascinante. J’estime qu’il est important de nous pencher sur l’exemple que donne cette importante institution ainsi que Service correctionnel Canada, comme en a discuté la sénatrice Jaffer aujourd’hui, sans oublier les Forces armées canadiennes, dont nous avons déjà discuté. Vous avez raison de dire que la GRC a une culture paramilitaire. Il en est de même au sein de Service correctionnel Canada. Comme en témoigne la crise que nous observons dans les Forces armées canadiennes, cette culture s’accompagne de comportements dictés par l’attitude.

Je veux participer à votre interpellation et également à une éventuelle étude de la situation, mais je voudrais vous poser une question au sujet des pouvoirs des policiers fédéraux. Je crois que vous avez touché un point fort important. Je sais que la GRC a présenté cette position au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. J’ai participé à des discussions au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement à ce sujet. Outre la liste des pouvoirs des policiers fédéraux, vous avez parlé du crime organisé. Par exemple, dans le cadre des plus récentes mesures liées à la Prestation canadienne d’urgence, nous avons découvert que le crime organisé avait obtenu de l’argent des programmes d’aide. Or, d’après ce que j’ai compris, le budget de la GRC est tellement serré qu’elle peine à remplir ses obligations de police fédérale. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et au sujet des impacts de cette situation? Merci.

Le sénateur Harder : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Il est un peu bizarre qu’une organisation nationale comme la GRC ait des ententes contractuelles avec le procureur général de différentes provinces où elle agit en tant que police provinciale qui précisent quelles sont ses priorités et ses obligations en matière de services de police dans les provinces concernées. La GRC n’a pas ce genre d’entente avec le gouvernement fédéral. La formation requise pour mener le genre de travail dont vous et moi avons parlé n’est tout simplement pas au niveau de celle de nos compétiteurs ou même au niveau des compétences des criminels. Je crois qu’il est temps que la police fédérale soit adéquatement financée et que son rôle soit clairement défini et encadré.

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, le temps qui vous est alloué est presque écoulé et trois autres sénateurs souhaitent vous poser des questions. Par ailleurs, il est presque 18 heures, heure à laquelle je dois quitter le fauteuil.

Premièrement, souhaitez-vous avoir cinq minutes de plus pour répondre à trois autres sénateurs?

Le sénateur Harder : J’aimerais bien.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui s’opposent à cette demande veuillent bien dire non.

Deuxièmement, honorables sénateurs, normalement, selon l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil à 18 heures. Toutefois, comme il s’agit du dernier point à l’ordre du jour, si vous vous opposez à ce que nous poursuivions la séance après 18 heures afin que le sénateur Harder puisse disposer de ses cinq minutes, veuillez dire non.

Je ne tiendrai donc pas compte de l’heure. Comme nous ne disposons que de cinq minutes, je demanderai aux sénateurs de poser de brèves questions.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Sénateur Harder, vous avez parlé dans votre intervention de l’avenir de l’institution, et je suis d’accord avec vous pour dire que c’est une question importante. Je veux revenir sur les éléments dont vous avez parlé, soit un climat toxique, une culture toxique et le harcèlement sexuel au sein de l’institution. Le discours qui veut que nous regardions vers l’avenir implique souvent d’oublier le passé. Voici donc ma question : le fait d’envisager l’avenir de la Gendarmerie royale du Canada doit-il exprimer clairement le besoin de réparation des effets de la discrimination exercée contre les femmes à l’intérieur de cette institution et en tenir compte?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je partage totalement la position de la sénatrice à l’égard des problèmes soulevés notamment par le juge Bastarache. Ce que je veux dire, c’est qu’une enquête sur ces points n’est pas nécessaire. Il nous faut plutôt une enquête sur l’avenir de cette organisation et sur son mandat futur, et veiller à ce que la formation et la gestion soient axées sur ce que devraient être un service de police fédéral moderne et son mandat.

(1800)

Cette mesure présentera des problèmes parce qu’elle aura une incidence sur les services de police provinciaux et municipaux où elle sera appliquée, et nous devrons penser à ce que cela implique pour les services de police autochtones au Canada. Toutefois, je crois que le Sénat a la capacité de répondre à ces questions et de formuler des recommandations.

L’honorable Larry W. Campbell : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

Le sénateur Campbell : Ma question est la suivante. Je siège au Sénat depuis 16 ans. Nous ressassons la question de la GRC depuis ces 16 années, et je constate que nous n’avons pas avancé d’un pouce. Comment pouvons-nous faire avancer votre motion? Comment pouvons-nous faire bouger les choses au lieu de simplement rester plantés ici et parler du problème?

Le sénateur Harder : Sénateur, si les sénateurs expriment de l’intérêt dans le cadre de cette interpellation, je pense que cela fera bouger les choses et j’ose espérer que cela entraînera le dépôt d’une motion que nous pourrons adopter afin de donner un tel mandat au Sénat pour qu’il mène cette étude et commence à faire son travail et à formuler des recommandations.

J’ai eu des discussions avec d’anciens agents de la GRC qui estiment qu’il est essentiel que cette étude ait lieu et que des recommandations soient formulées, sous peine de voir l’organisation imploser sur le plan de la culture et, franchement, de la crédibilité.

Il s’agit donc, à mon avis, de la dernière chance de la GRC, à moins, bien sûr, que le gouvernement ne mène sa propre étude pour se faire une opinion. Vous savez que les contrats de services de police provinciaux prennent fin dans plusieurs années, ce qui nous donne du temps pour tenir des discussions et planifier la suite des choses avec les provinces. Il s’agit de contrats très longs et je crains que nous ne perdions l’occasion d’avoir cette discussion si les contrats sont renouvelés sans qu’aucune question ne soit posée.

Son Honneur le Président : Sénatrice Boniface, il nous reste une minute pour votre question et la réponse.

L’honorable Gwen Boniface : Je serai très brève alors, Votre Honneur. Sénateur Harder, croyez-vous comme moi que, dans un contexte où vous examinez les responsabilités provinciales et fédérales de la GRC, il serait peut-être bon de commencer à examiner les trois provinces qui ont des services de police provinciaux pour voir comment ces divisions s’organisent actuellement, surtout dans un modèle intégré, et que cet examen pourrait éclairer certains des enjeux que vous soulevez à propos de l’adéquation avec les besoins? Êtes-vous de cet avis?

(Sur la motion de la sénatrice Busson, le débat est ajourné.)

(À 18 h 3, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 7 décembre 2021, à 14 heures.)

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